2 mars 2021

Accès refusé: Garantir des vaccins pour les pays les plus pauvres du monde

by Brendan Vickers Salamat Ali Dr. Neil Balchin Hilary Enos-Edu / in Tribune libre
  • Le PIB combiné des PMA a baissé de 5% en 2020 par rapport aux chiffres estimés avant la pandémie, et un grand nombre d'infections et de décès liés à la COVID‑19 ont mis à rude épreuve des systèmes de santé déjà fragiles

  • En raison des contraintes financières et de l'offre limitée de vaccins au niveau mondial, de nombreux PMA pourraient ne pas achever la vaccination de masse contre la COVID 19 avant 2023 et peut être même au delà, ce qui aggraverait les problèmes existants.

  • Les institutions internationales, les donateurs et le secteur privé doivent intensifier leur soutien aux PMA pour leur garantir un accès abordable et équitable aux vaccins contre la COVID 19, notamment via COVAX.

La pandémie de COVID‑19 a fait des ravages dans les économies fragiles des pays les moins avancés (PMA). La récession mondiale qui a suivi a entraîné un effondrement de la demande extérieure de marchandises et de services des PMA, une baisse des prix des principales exportations et une limitation des flux d'investissements et d'autres ressources. Avec des capacités de production et une diversification restreintes, les PMA n'ont généralement pas la résilience nécessaire pour résister aux multiples chocs économiques de la pandémie.

Conséquences de la COVID

En 2020, le PIB combiné des 47 PMA représentait 1 003 milliards de dollars EU, soit une baisse de 5% par rapport au chiffre estimé de 1 057 milliards de dollars EU d'avant la pandémie.[1] Ce recul a été encore plus important pour les PMA faisant partie des petits États insulaires en développement (PEID), à savoir les Comores, les Îles Salomon, Kiribati, Sao Tomé‑et‑Principe, le Timor‑Leste, Tuvalu et Vanuatu. Leur PIB combiné a chuté d'environ 9% par rapport aux chiffres estimés d'avant la pandémie. La plupart des 14 PMA membres du Commonwealth ont connu des contractions économiques similaires, à l'exception du Bangladesh et de la Tanzanie – dont les économies ont connu une croissance d'environ 3% et 2%, respectivement. Le Malawi et le Rwanda ont également enregistré une croissance marginale.

Figure 1: Incidence de la COVID‑19 sur le PIB des PMA (2019 et 2020)

 

légende

Tous les PMA (47)

PMA du Commonwealth (14)

PIB (milliards de dollars EU)

PIB (milliards de dollars EU)

Prévisions pré‑COVID Estimations pendant la COVID

Prévisions pré‑COVID Estimations pendant la COVID

Note:       Sur la base des taux de croissance moyens des différentes économies établis au moyen des prévisions pré‑COVID (octobre 2019) et des estimations pendant la COVID (janvier 2021) du FMI et de la Banque mondiale. Vanuatu est inclus car il relevait de la catégorie des PMA pendant la majeure partie de 2020, avant d'en sortir récemment.

Source:    Secrétariat du Commonwealth, utilisant les données de la Banque mondiale et du FMI

Outre les pertes économiques, l'ampleur de l'impact épidémiologique a également été considérable: les PMA ont enregistré collectivement environ 1,5 million de contaminations et 28 000 décès depuis le début de la pandémie (voir le tableau 1). L'étendue réelle de la crise sanitaire est probablement encore plus grande, étant donné qu'une proportion importante des contaminations n'est probablement pas signalée en raison de capacités de test et de traçage limitées.

La promesse des vaccins?

Et si les programmes de vaccination sont en cours dans certains pays, offrant une lueur d'espoir, ils n'ont pas encore commencé à une échelle significative dans les PMA. Il y a de fortes inégalités en matière d'accès et de distribution, 75% des vaccins étant administrés dans 10 pays seulement, alors que plus de 130 pays n'ont pas reçu une seule dose.

Tableau 1: Cas de COVID‑19 et fourniture de vaccins via COVAX pour les PMA

Région/Groupe

Population

Cas

Décès

Doses fournies

Tous les (47)

1 057 436 185

1 600 505

28 021

74 451 210

Dont

       

Afrique et Haïti (32)

712 149 266

585 232

11 419

47 298 960

Asie (8)

341 756 433

1 010 732

16 472

26 585 850

Îles (7)

3 530 486

4 541

130

566 400

Note:       Les PMA sont regroupés conformément à la classification de la CNUCED: https://unctadstat.unctad.org/FR/Classifications.html

Source:    Secrétariat du Commonwealth, utilisant les données des Indicateurs du développement dans le monde et de l'OMS

Les PMA n'ont pas les ressources financières nécessaires pour négocier ou commander à l'avance des vaccins auprès de multiples fournisseurs, comme le font de nombreux pays avancés. Leurs principales sources de revenus – généralement les exportations de produits de base, les transferts de fonds et les revenus du tourisme – se sont largement taries en raison de la pandémie et les contraintes financières resteront un défi majeur à court et moyen terme en raison des effets directs et indirects de la COVID‑19.

Avec une population totale d'environ un milliard d'habitants, les PMA auraient besoin d'environ 4 milliards de dollars pour financer deux injections du vaccin Oxford‑AstraZeneca – le moins cher. Compte tenu des limites actuelles de la capacité de fabrication au niveau mondial et de la nécessité de déployer différents vaccins pour contrer les nouvelles variantes du virus, le coût de la vaccination de populations entières dans les PMA pourrait augmenter de manière exponentielle.

Le Bangladesh est le seul PMA qui dispose d'une capacité de fabrication de vaccins contre la COVID‑19. Les deux principaux fabricants mondiaux – la Chine et l'Inde – sont également deux des pays les plus peuplés du monde. Étant donné que tous deux ont besoin de fournir des vaccins à leur propre population, les PMA qui dépendent des vaccins qui y sont produits peuvent être confrontés à des retards importants dans leurs programmes de vaccination de masse. Compte tenu de cette situation, les pays à faible revenu, en particulier ceux d'Afrique – avec 33 des 47 PMA au niveau mondial et 9 des 14 PMA du Commonwealth – pourraient être laissés en reste.

Pour la plupart de ces pays, l'alliance COVAX de l'OMS, créée pour assurer une distribution équitable des vaccins, est un point très positif. Dans le cadre de cette initiative, une fourniture provisoire de vaccins a été accordée à 145 pays, dont tous les PMA (voir le tableau 2).

Les défis dans la distribution des vaccins et la voie à suivre

Même avec les vaccins distribués dans le cadre de l'initiative COVAX, de nombreux PMA pourraient ne pas achever la vaccination de masse avant 2022 ou 2023, voire même au‑delà. Les retards dans l'accès aux vaccins contre la COVID‑19 risquent d'entraîner des suppressions d'emplois importantes et des pertes de moyens de subsistance (dont beaucoup étaient peu sûrs avant la pandémie), la fermeture d'entreprises et une forte baisse de la production à long terme.

Pour relever ces défis, les institutions internationales et les donateurs doivent jouer un rôle central en aidant les PMA à obtenir un meilleur accès aux vaccins. L'initiative COVAX est très prometteuse, mais davantage de fonds sont nécessaires pour qu'elle puisse atteindre ses objectifs ambitieux.[2] D'autres initiatives, telles que l'octroi par la Banque mondiale de 12 milliards de dollars aux pays en développement pour financer l'achat et la distribution de vaccins, et l'accroissement des capacités d'essai et de traitement, peuvent contribuer à combler ce manque. Il est également possible d'apporter un soutien direct – au moyen de transferts de technologie, de financement et d'une assistance pour rééquiper les installations existantes – en faveur des PMA qui, comme le Bangladesh, disposent d'une capacité de fabrication de vaccins. Le Technology Access Partnership (TAP) de la Banque de technologies des Nations Unies pour les PMA pourrait jouer un rôle important.

Des approches régionales coordonnées peuvent aider les PMA à acheter et à administrer les vaccins contre la COVID‑19. Cela exige une collaboration efficace entre les gouvernements, les institutions internationales, les organismes de réglementation partenaires, les donateurs et le secteur privé.

Les PMA peuvent également chercher à tirer parti des capacités du secteur privé au niveau national pour surmonter les problèmes de distribution liés à la mise en œuvre des programmes de vaccination à l'échelle requise pour lutter contre la COVID‑19. Par exemple, la collaboration avec des partenaires commerciaux – tels que des entreprises de produits alimentaires et de boissons disposant d'une chaîne du froid – peut aider les gouvernements à répondre aux exigences complexes en matière de stockage et de transport des vaccins.

Tableau 2: Contaminations par la COVID‑19, déploiement des vaccins et fourniture de vaccins aux PMA via COVAX, par pays 

 Note:       Les surlignages indiquent les PMA qui sont membres du Commonwealth.

Source:    Secrétariat du Commonwealth, utilisant les données des Indicateurs du développement dans le monde et de l'OMS.

[1] Calcul correspondant à la différence entre les chiffres estimés avant la COVID (octobre 2019) et les chiffres estimés pendant la COVID (janvier 2020), effectué à partir des taux de croissance moyens des différentes économies fournis par le FMI et la Banque mondiale.

[2] Selon l'OMS, COVAX a besoin de 6,8 milliards de $ de financement en 2021 pour atteindre son objectif consistant à fournir un accès à des doses suffisantes pour vacciner toutes les personnes vulnérables dans les pays participants au cours du premier semestre de 2021, et à parvenir à la vaccination de 20% de leur population pour la fin de l'année.

 

Cet article fait partie d'une série consacrée à la promotion du dialogue, des conversations et des débats en marge de l'événement "Aid for Trade Stocktaking" de l'OMC, qui se déroule du 23 au 25 mars. Cela fait partie de Thème 4 sur les chaînes de valeur mondiales, la capacité de l'offre et la pandémie.

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