Un nouveau rapport examine en détail les changements qui s'opèrent, entre autres en matière de traitement et de marchés d'exportation.
La catégorie dont relèvent les pays dans les milieux du développement et du commerce peut être très importante. "À faible revenu", "industrialisé", "en développement" ou encore "fragile", certains classements se traduisent notamment par un renforcement de l'assistance, du soutien international et de l'accès aux marchés.
Pour les 47 pays classés dans la catégorie des "moins avancés" par l'Organisation des Nations Unies, sortir de cette catégorie – être reclassé – peut avoir toute sorte de conséquences. Les pays les moins avancés (PMA) bénéficient d'un traitement préférentiel dans le cadre de leur participation au commerce mondial, tel que l'accès en franchise de droits, et de leur participation au système commercial multilatéral, en l'occurrence à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Quand les pays sont reclassés, ils perdent ces avantages.
Étant donné que 12 PMA doivent quitter cette catégorie dans les prochaines années, il convient d'apporter des précisions sur ce à quoi ils doivent s'attendre. Un nouveau rapport, élaboré pour faire suite à une demande présentée par le Groupe des PMA à l'OMC, détaille les conséquences qu'a un reclassement pour la coopération en matière de commerce et de développement dans un pays.
Les principales conclusions sont les suivantes:
1) Dans l'ensemble, les conséquences seront limitées.
Taufiqur Rahman, l'un des auteurs du rapport et chef de l'Unité chargée des PMA à l'OMC, dit ce qui suit: "La sortie de la catégorie des PMA suscite une certaine peur de l'inconnu – d'après les conclusions de notre rapport, pour bon nombre de PMA, une telle sortie aura des conséquences relativement limitées, à quelques exceptions près. En outre, la portée et l'ampleur de ces conséquences varieront selon les pays."
Share of LDCs in world exports, 2018
2) Toutefois … tout dépend de la dépendance du pays à l'égard des préférences.
Un PMA bénéficie de préférences concernant l'entrée sur le marché et la mise en œuvre des règles et disciplines de l'OMC. Néanmoins, il peut ne pas se prévaloir des avantages tels que l'accès en franchise de droits et sans contingent si les produits qu'il exporte bénéficient du traitement de la nation la plus favorisée et de la franchise de droits sur les marchés de pays donneurs de préférences, ou si les exportations sont destinées à des marchés régis par des accords régionaux.
À titre d'exemple, 56% des exportations totales du Népal sont absorbées par l'Inde; la plupart de ces échanges relèvent d'un accord de libre‑échange bilatéral, et l'Inde n'a donc jamais fait valoir le régime en faveur des PMA dont elle bénéficie. Presque 60% des exportations de l'Angola à destination de la Chine sont des huiles de pétrole, qui ne dépendent d'aucune préférence donnée par la Chine aux PMA, car la Chine ne perçoit aucun droit au titre du statut de la nation la plus favorisée.
"Les PMA constituent bien un groupe, dont les membres sont classés selon le revenu par habitant et quelques autres indicateurs. Cependant, ils n'ont pas tous la même structure d'exportation ni les mêmes intérêts – ils sont tous différents. La portée des conséquences dépend des paniers d'exportations, de la destination des exportations et de la dépendance à l'égard des préférences", a déclaré M. Rahman.
Le Bangladesh fait partie des rares pays sortant de la catégorie des PMA à largement utiliser les préférences. La part des exportations pour lesquelles il utilise des préférences propres aux PMA est de 70%, contre 26% pour le Myanmar. D'après les estimations contenues dans le rapport, après son reclassement, le Bangladesh pourrait voir ses exportations reculer de 14%. Au demeurant, sur l'ensemble des pays sortant de la catégorie des PMA, le Bangladesh est la plus grande économie et le plus important exportateur.
Tariff commitments and applied MFN duty rates by development status (%)
3) Et … de leurs partenaires commerciaux.
Les pays devant sortir de la catégorie des PMA pourraient ressentir les conséquences de leur reclassement en fonction de leurs principaux partenaires commerciaux.
"Pour les PMA, l'UE est un marché de premier plan où les préférences sont fréquemment utilisées. Par conséquent, le reclassement des pays aura des conséquences", a dit M. Rahman.
Les exportations des PMA entrent en franchise de droits sur le marché de l'UE, au titre de l'initiative "Tout sauf les armes", et sur ceux du Canada et du Japon, dans le cadre de régimes prévus par ces pays. La perte de ces préférences représenterait une perte de marges d'environ 10% pour les exportations de vêtements et de 6 à 10% pour les exportations de certains produits de la pêche. Par ailleurs, la perte de conditions favorables des règles d'origine nuirait particulièrement aux exportateurs de vêtements.
"Après leur reclassement, les PMA ne disposent d'aucun substitut parfait aux préférences qui leur étaient accordées. Beaucoup dépend des accords que les pays reclassés peuvent conclure avec leurs partenaires commerciaux pour que la transition ait lieu en douceur", d'après M. Rahman.
Expected tariff rate changes in destination markets (percentage points)
4) Et … des produits qu'ils échangent.
Certains PMA exportent des matières premières ou des minéraux alors que d'autres se concentrent sur l'habillement. Le profil des exportations des PMA détermine dans une large mesure les relations de ceux‑ci avec leurs partenaires commerciaux. Cet élément sous‑tend également les intérêts des pays Membres de l'OMC. Le reclassement suppose que l'utilisation continue des subventions à l'exportation des produits industriels est incertaine ou qu'il faudra observer davantage d'obligations de notification, y compris des prescriptions annuelles liées au soutien interne au secteur.
5) Et … de leur participation à l'OMC.
Il ressort du rapport qu'un grand nombre d'éléments sont tributaires de la date d'accession du pays à l'OMC.
"Certains PMA, tels que l'Angola, le Bangladesh, les Îles Salomon et le Myanmar ont accédé à l'OMC en 1995, quand les conditions d'accession étaient plus souples. Le processus d'accession est devenu plus rigoureux, j'en veux pour exemple l'accession du Népal, du Vanuatu et de la RDP Lao, qui ont contracté plus d'engagements", a expliqué M. Rahman.
La législation relative à la propriété intellectuelle est un domaine auquel les pays reclassés devraient accorder une attention particulière, bien que plusieurs d'entre eux soient en avance dans la promulgation de lois et de règlements couverts par l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC).
6) Pour finir, la COVID‑19 changera la donne.
Une chose est sûre – le coronavirus pèse sur le commerce mondial. Cependant, les conséquences qu'il aura vraiment pour les pays en passe de sortir de la catégorie des PMA demeurent méconnues.
Pour reprendre les propos de M. Rahman, "Notre analyse ne tient pas compte de l'évolution de la situation concernant la COVID; elle s'applique aux pays qui sortent de la catégorie des PMA. Ce qui se passe dans le monde influera assurément sur le calendrier ou les perspectives de reclassement. Le Vanuatu, qui devait sortir de la catégorie des PMA cette année, a été frappé par un cyclone, l'Angola a dû faire face à la chute des cours du pétrole et, au Bangladesh, les exportations de vêtements sont en difficulté. Les secteurs du pétrole, de l'habillement et du tourisme sont gravement touchés. À ce choc de la demande s'ajoutent les perturbations de l'approvisionnement, car les intrants intermédiaires proviennent de pays tels que la Chine et les restrictions de déplacement entravent le bon déroulement des opérations."
"Dans une certaine mesure, les recettes tirées des marchandises peuvent être récupérées. Ce n'est pas le cas des recettes issues du tourisme, qui sont définitivement perdues."
Les données commerciales et économiques qui sont fournies depuis le début de la pandémie étant encore incomplètes, les modalités de reclassement des PMA restent à définir. Toutefois, cette nouvelle analyse donne des orientations claires aux pays qui souhaitent réévaluer leur économie, leur situation commerciale et leurs vulnérabilités, et jette ainsi les bases d'une transition aussi fluide que possible.
If you would like to reuse any material published here, please let us know by sending an email to EIF Communications: eifcommunications@wto.org.