Initialement publiée sur THOMSON REUTERS FOUNDATION NEWS le 11 septembre 2019
Si nous avons à cœur de transformer la vie des femmes dans le monde entier, nous devons commencer par les pays les moins avancés
Soyons réalistes.
Nous avons beaucoup de chemin à parcourir pour remédier aux disparités hommes‑femmes dans le monde. Dans les pays les moins avancés, que ce soit au Bhoutan, au Mozambique ou en Zambie, réduire ces disparités sera encore plus difficile.
La raison en est que près de 75% de la population de ces pays vit dans une extrême pauvreté, et est confrontée à de sérieux obstacles structurels, historiques et géographiques au développement. De surcroît, les femmes y ont moins accès à l'éducation et moins de possibilités de trouver de bons emplois.
Les populations des pays pauvres, et en particulier les femmes, sont en outre vulnérables aux fluctuations économiques mondiales, aux chocs environnementaux et aux conflits.
Si nous avons à cœur de transformer la vie des femmes dans le monde entier, nous devons commencer par les pays les moins avancés.
Pourquoi? Premièrement, parce que les femmes de ces pays comptent parmi les personnes les plus marginalisées au monde et qu'elles ont besoin d'un soutien. Pour améliorer leur situation, il faut faire face à des normes qui ne changent pas du jour au lendemain. Deuxièmement, les pays les moins avancés abritent environ un milliard de personnes, et l'on estime que ce chiffre augmentera de 33% d'ici à 2030. Et enfin, parce que les disparités hommes‑femmes ont un coût financier.
Si l'on n'agit pas, la situation pourrait s'aggraver.
Pourtant, une part accrue de femmes dans la main‑d'œuvre est avantageuse. Les femmes investissent une plus grande partie de leurs revenus dans leur famille, et les entreprises affichent une meilleure productivité et une meilleure croissance. Or, dans les pays pauvres, la capacité des femmes de faire du commerce est restreinte de toutes parts, que ce soit par des pratiques sociales qui entravent le travail ou par des obstacles supplémentaires à la création d'entreprises ou encore par un manque d'accès au financement. Trente‑deux des pays les moins avancés ont des lois empêchant les femmes d'occuper certains emplois, et en Ouganda, bien que les femmes possèdent près de 40% des entreprises enregistrées, elles ne reçoivent que 9% du crédit accordé.
Un plus grand nombre de femmes dans le commerce se traduirait par la croissance accrue dont les pays pauvres ont besoin, et McKinsey estime que la réduction des disparités hommes‑femmes pourrait relever le PIB mondial de 12 000 milliards de dollars d'ici à 2025. Ces économies avançant très lentement, la décision de placer les femmes au cœur de l'action commerciale est une évidence. Et il y a encore beaucoup à faire en termes de croissance.
Les femmes des pays les moins avancés travaillent déjà, et elles travaillent dur. En Zambie, les femmes jouent un rôle essentiel dans le secteur agricole et représentent jusqu'à 80% des producteurs de produits alimentaires. En Ouganda, elles sont le moteur du lucratif commerce transfrontalier et représentent l'essentiel des gens d'affaires dans les petites entreprises et le secteur agricole.
Les femmes des pays les moins avancés gèrent également la plupart des tâches ménagères et parentales, et le travail qu'elles assurent globalement n'est, dans une large mesure, toujours pas reconnu ou relève de secteurs réputés "informels". Dans ces secteurs informels, 50% des femmes employées ne sont pas payées, contre 33% des hommes.
Qu'est‑il fait pour remédier à cela?
La Communauté de l'Afrique de l'Est (CAE) travaille depuis dix ans pour soutenir les activités commerciales transfrontalières, en particulier celles des femmes, en développant des infrastructures qui rendent le travail plus sûr pour les femmes, en organisant des formations, en créant des crèches et en essayant de formaliser le commerce. La République démocratique du Congo a révisé ses lois afin d'autoriser les femmes mariées à enregistrer des entreprises, à ouvrir des comptes bancaires et à obtenir des emplois. L'Ouganda, par l'intermédiaire d'une initiative gouvernementale communément appelée "Fonds pour les femmes", oriente les femmes qui se lancent dans la création d'entreprises vers des services financiers et des formations au marketing, un montant de 90 milliards d'UGX (24,4 millions de dollars) ayant été déboursé à cette fin entre 2015 et 2019.
Mais il reste encore beaucoup, beaucoup à faire.
Pour véritablement autonomiser les femmes dans les pays les moins avancés, il faut faire en sorte à la fois qu'elles retirent des avantages du commerce et qu'elles aient la capacité de prendre des décisions – au foyer comme sur le marché. Pour cela, il faut créer des procédures répondant aux besoins des hommes comme des femmes, de sorte qu'une femme puisse créer une entreprise aussi facilement qu'un homme. Il faut réduire les entraves au travail hors du foyer. Cela implique de sensibiliser les femmes aux pratiques et réglementations commerciales. Il faut regarder au‑delà des frontières pour rassembler des ressources et des partenaires mondiaux en vue d'un impact maximal, par exemple à l'aide d'initiatives telles qu'Empower Women, Power Trade et SheTrades, qui s'adaptent aux vécus très contrastés des femmes du monde entier.
Il est crucial que nous reconnaissions que les femmes sont essentielles aux efforts déployés pour stimuler la croissance et réduire la pauvreté. Ce sont elles qui ont le pouvoir de transformer la trajectoire de développement d'un pays.
Tout ce dont elles ont besoin, c'est ce à quoi les hommes ont déjà droit.
Il y a tant d'obstacles à surmonter mais, étant donné le nombre et l'ampleur considérables de ceux dont les femmes ont déjà triomphé, la tâche qui se présente à nous n'est pas désespérée; au contraire, elle est porteuse d'espoir.
Header image of the Port of Honiara in the Solomon Islands - ©Asian Development Bank via Flickr Attribution-NonCommercial-NoDerivs 2.0 Generic (CC BY-NC-ND 2.0) license.
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