6 juillet 2021

Au Cambodge, dans le sens du grain (de riz)

by Deanna Ramsay / in Récit d'expérience

La résilience est nécessaire dans le commerce du riz, le développer en demande beaucoup

Environ 80% des Cambodgiens sont des agriculteurs ruraux et le riz est la principale culture du pays. Cependant, jusqu'à la dernière décennie environ, le secteur n'avait pas été à la hauteur de son potentiel.

S'il l'était, cela se traduirait par des récoltes plus abondantes, de meilleurs revenus pour les paysans pauvres, la participation d'un plus grand nombre d'entreprises locales aux exportations et une compétitivité accrue sur le marché mondial du riz. Le pays réussit désormais à développer ce potentiel, ce qui a nécessité une stratégie et une planification gouvernementales, une aide internationale et l'ingéniosité de la population locale.

"Nos riziculteurs rencontrent des difficultés pour avoir suffisamment de systèmes d'irrigation, d'engrais et de pesticides sans danger. Après la récolte, ils ont du mal à connaître les prix du marché et à faire entrer leurs produits sur des marchés potentiels. De plus, ils sont fortement tributaires des collecteurs et des acheteurs nationaux", a dit M. Kemvichet Long, Directeur général adjoint pour le commerce international.

"Dans le cas des exportateurs locaux, les difficultés rencontrées sont notamment un approvisionnement irrégulier, la logistique liée à l'acheminement du riz vers les marchés de destination et le respect des mesures sanitaires et phytosanitaires internationales requises", a indiqué M. Long.

Amru Rice est un exemple de la manière dont certaines de ces difficultés peuvent être surmontées. Cette entreprise cambodgienne a été fondée en 2011 pour vendre du riz, à un moment où le Cambodge et l'Union européenne avaient accepté l'initiative Tout sauf les armes qui permet les exportations directes à destination de l'Europe.

Aujourd'hui, l'entreprise familiale travaille avec des agriculteurs et vend à des acheteurs dans le pays et à l'étranger. Elle a reçu le soutien du Ministère du commerce du pays et de l'entreprise internationale spécialisée dans l'investissement à impact responsAbility et, dans le cadre d'un programme conjoint du Cadre intégré renforcé (CIR), de l'Union européenne et de la Société financière internationale (SFI), un soutien en faveur des PME du secteur agro‑industriel cambodgien, entre autres institutions internationales.

 

Constatant que les agriculteurs avaient la double tâche difficile de trouver des acheteurs et d'obtenir de bons prix, Amru avait commencé l'agriculture sous contrat en 2014 avec une centaine d'agriculteurs issus d'un groupe ethnique minoritaire dans la région montagneuse du pays. On a donné à des agriculteurs triés sur le volet des semences de paddy plus faciles à commercialiser et on leur a garanti un prix équitable pour leurs récoltes, achetées par Amru. Le programme a été un succès pendant cette première année et il a décollé à partir de ce moment‑là.

"En 2020, au cours de la sixième année, 10 000 familles d'agriculteurs qui vivaient dans 11 provinces du pays ont produit 45 000 tonnes de riz biologique", a indiqué M. Song Saran, PDG d'Amru Rice.

"Nous avons compris les lacunes, nous nous sommes adaptés aux méthodes traditionnelles des agriculteurs et nous nous sommes efforcés de changer de comportement au fil du temps, selon les besoins", a‑t‑il dit. "Nous voulons qu'ils puissent devenir des entrepreneurs s'ils le souhaitent et qu'ils connaissent l'offre et la demande."

En contrepartie, le gouvernement s'est employé à faciliter le travail des exportateurs de riz comme Amru, y compris en permettant le dédouanement plus rapide des marchandises aux frontières, en réduisant les coûts d'expédition et de logistique et en mettant en place un système en ligne de gestion de la taxe sur la valeur ajoutée.

Ces mesures ont créé au Cambodge un environnement dans lequel le secteur rizicole ainsi que ses agriculteurs, ses collecteurs, ses acheteurs et ses exportateurs pouvaient prospérer.

D'après Amru, le financement du capital de départ d'un montant de 1,5 million de dollars EU qui a été accordé par ResponsAbility en 2014 a aidé l'entreprise à se développer, d'autant plus qu'elle n'avait pas de financement local suffisant. Les investissements ont aidé l'entreprise à passer à la vente de riz biologique plus rentable, qui représente maintenant 50% de ses activités, et Amru finance désormais le fonds de roulement au moyen d'un financement local.

Les investissements de ResponsAbility ont pour objectif des effets durables. Son partenariat avec Amru, qui était le tout premier investissement de l'entreprise, consiste aujourd'hui à aider Amru à dispenser des formations destinées aux agriculteurs par le biais de projets d'assistance technique spécifiques parallèlement à l'octroi d'un financement à long terme à des fins de développement.

"Sur le plan des avantages économiques, notre projet d'assistance technique visait une augmentation de 15% de la productivité de l'exploitation et une augmentation de 15% des revenus de l'agriculteur. Ce sont les paramètres dont nous avons suivi l'évolution", a précisé Mme Neha Baid, Responsable de l'investissement chez ResponsAbility.

"Nous travaillons avec beaucoup de petites entreprises qui se trouvent à proximité immédiate de l'exploitation, et dans lesquelles nous voyons un avantage direct pour les petits exploitants, ce qui est une priorité essentielle pour nous", a‑t‑elle indiqué.

Consciente du fait que les agriculteurs étaient tributaires des fluctuations des prix du riz et que certains acceptaient des prix inférieurs parce qu'ils n'avaient pas d'autre choix, Amru a aidé les agriculteurs à créer des coopératives afin qu'ils puissent mieux tirer profit de leurs récoltes voire passer du côté de la transformation.

De tels efforts, du soutien apporté par les pouvoirs publics sous la forme d'une facilitation des échanges aux injections de capitaux, en passant par la collaboration directe avec les riziculteurs, ont contribué à bâtir une forte résilience et ont entraîné un triplement des exportations de riz du Cambodge entre 2011 et 2016.

La COVID‑19 leur a porté un coup, étant donné que les restaurants locaux ont été fermés et n'ont donc pas commandé de riz et que les acheteurs internationaux ont également réduit leurs achats. Toute la chaîne d'approvisionnement a été touchée, comme beaucoup d'autres.

"Je cherche comment je peux promouvoir le riz et en vendre davantage. L'importante perturbation que je rencontre en ce moment concerne le fret. Les compagnies maritimes ont augmenté leurs prix. Le coût d'un conteneur a été multiplié par trois ou quatre, et cela a une grande incidence sur les revenus", a dit M. Saran.

La plupart de ses exportations sont destinées à l'Union européenne, où il vend du riz parfumé, du riz rouge, du riz jasmin, du riz à grains moyens, du riz noir et environ sept autres variétés. Toutefois, il existe des concurrents de poids venant des nombreux autres pays producteurs de riz.

Le gouvernement poursuit toujours ses efforts pour aider les agriculteurs et les exportateurs, y compris en améliorant les techniques culturales et les installations de transformation, en particulier en ce qui concerne les rizeries.

"Après la récolte, le séchage, l'usinage, l'emballage et l'étiquetage sont capitaux pour notre projet", a dit M. Long.

Le gouvernement travaille aussi sur l'aspect financier et apporte un soutien direct aux agriculteurs touchés.

"Pour favoriser un plus large accès au financement, le gouvernement a créé la Banque des PME du Cambodge et la Banque de développement agricole et rural qui répondent respectivement aux besoins des PME cambodgiennes et à ceux des producteurs agricoles et des exportateurs de produits agricoles. Par ailleurs, le gouvernement royal du Cambodge met actuellement en place une série de mesures visant à atténuer les effets de la COVID‑19 sur les entreprises et les travailleurs du Cambodge", a indiqué M. Long.

M. Saran de l'entreprise Amru travaille avec des agriculteurs pour diversifier leur production au‑delà du simple riz avec d'autres produits à forte rentabilité comme le poivre noir, le manioc et les noix de cajou. Il réfléchit aussi à de nouveaux marchés pour les produits transformés à base de riz comme les sirops et les aliments pour nourrissons.

"Si une autre crise survient dans les quatre à cinq prochaines années, je pense que nous serons mieux préparés, parce que je crois en ma chaîne d'approvisionnement. Pour l'instant, nous ne sommes pas encore à notre maximum, par exemple d'autres pays peuvent produire 3 à 4 tonnes de riz par hectare, mais nous ne pouvons produire que 2 ou 2,5 tonnes par hectare. Nous avons encore besoin d'être formés pour acquérir davantage de compétences afin d'obtenir une meilleure productivité. Mais je sais que nous serons prêts", a dit M. Saran.

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