19 décembre 2024

Contribuer à l’autonomisation économique des femmes en Afrique de l’ouest: leçons apprises de l’industrie du karité

by Djaffo Mamatou / in Tribune libre

Alors que la célébration de la Journée internationale des femmes en 2024 a été placée sous le thème ‘Investir en faveur des femmes: accélérer le rythme’, ceci est un appel à plus d’investissement dans des programmes qui promeuvent et garantissent les droits des femmes et des filles dans tous les aspects de la vie afin de bâtir des économies justes et prospères. 

Le meilleur point de départ est probablement de présenter des histoires de héros méconnus, qui inspirent les partenaires du développement et les bénéficiaires à faire plus et mieux. Connaissez-vous cette femme inspirante dont on ne parle que très peu ? Son âge ne limite point sa capacité à croire en ses rêves, et ce qui est pour beaucoup une corvée reste sa routine quotidienne à la recherche de son gagne-pain. Dès l’aube, le chant du coq la trouve dans les forêts parcourant des dizaines de kilomètres à la recherche de l’or des femmes: le karité.

En Afrique, l’expérience singulière de chacune des 16 millions de femmes rurales vivant du karité nous inspire chaque jour un peu plus.  Le karité est en effet une culture importante sur le plan économique et social. Cette culture emploie 4 millions de femmes pour l'exportation et génère 237 millions de dollars de revenus par an, au niveau communautaire, dans les pays producteurs. Au niveau des ménages, le karité représente jusqu'à 12 % du revenu total et jusqu'à 32 % de l'argent liquide, et il est gagné pendant la période de soudure, entre deux récoltes. 

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Graphique indiquant la croissance en karité en Afrique de l'Ouest et par pays

Mais comment arrive-ton à contribuer aux efforts d’autonomisation constante de cette femme dont l’activité contribue pour beaucoup aux charges du ménage ? Retenez ces groupes de mots : coopératives, formations, infrastructures et équipements, accès au marché.  

De 2020 à 2023, en partenariat avec le Cadre Intégré Renforcé (CIR), l’Alliance Globale du Karité (l’AGK) et ses partenaires ont mis en œuvre le Programme Régional d’Appui au Développement du Commerce Inclusif dans la Filière Karité (PRADCIFK) dans 4 pays en Afrique de l’ouest à savoir: le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et le Togo.

L’initiative d’un montant de 3 620 240 d'USD sur trois ans a permis de soutenir le commerce local, régional et international des amandes, du beurre et autres produits à forte valeur ajoutée à base de karité. Telle une réponse à la vision du CIR d’appuyer les pays les moins avancés à saisir l’opportunité du commerce pour accroitre les performances de leurs économies, le projet a encouragé la mise en œuvre de collaboration impliquant les coopératives de femmes, les micro, petites et moyennes entreprises (MPMEs) ainsi que des industriels des pays cibles du programme pour saisir de nouvelles opportunités de marchés en Afrique et en Asie.

Les résultats concrets en trois ans ont été les suivants: 50 entrepôts construits (12 au Bénin, 13 au Burkina Faso, 13 au Togo et 12 au Mali); 50 coopératives mises en place; plus de 35 000 femmes formées sur les bonnes pratiques de production, la recherche de marché et la gestion des contrats et quatre centres semi-industriels de karité fonctionnels.En outre, le projet a pu mobiliser des ressources supplémentaires à hauteur de 1 400 108 d'USD grâce à l'établissement de 22 partenariats public-privé, dont 741 730 USD de l'Agence américaine pour le développement international et 658 378 USD du secteur privé.

Vous souvenez-vous des groupes de mots évoqués plus haut? 

Par ailleurs, les coopératives formées ont produit et commercialisé directement plus de 10 000 tonnes de produits finis à base de karité, leur générant un revenu de plus de 3,8 millions d'USD au cours du projet. Si les revenus directs issus de la commercialisation offrent davantage d’argument financier à la femme rurale, il n’en demeure pas moins que les formations reçues en amont constituent le socle de cet exemple d’autonomisation. Le témoignage de Sambieni Madeleine, âgé de 32 ans, et membre de la coopérative de Cobly (Tapoga) au Bénin nous en dit long :

Grâce à la formation, je sais désormais comment négocier les termes d’un contrat de vente avec les acheteurs. Je sais également que nous devons prioriser dans les négociations les intérêts des membres. J’ai pris conscience de l’importance de commercialiser ses produits à travers sa coopérative.

Mieux, les infrastructures et équipements mis à disposition des coopératives offrent des perspectives économiques additionnelles aux bénéficiaires. Dame Sambieni ajoute:

Au-delà du karité, nous utilisons notre magasin à plein temps pour le stockage d’autres produits agricoles.

En outre, le PRADCIFK a également permis aux coopératives et Micro, Petites et Moyennes Entreprises d’accéder à plus d’une trentaine de nouveaux marchés en Afrique et en Asie, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives à toute l’industrie du karité. Grâce au renforcement des capacités, à l'exposition à de nouveaux marchés et à la participation à des foires commerciales, les petites et moyennes entreprises (PME) ont pu innover pour améliorer leurs pratiques commerciales et trouver de nouveaux clients en Afrique du Sud, en Chine et en Corée du Sud. Francis Tuina, Directeur général du RPBHC (Réseau des Productrices de Beurre de Karité des Hauts-Bassins et Cascades), un autre bénéficiaire de l'intervention du projet, a expliqué:

Nous sommes conscients que le marché du karité est prometteur. Cependant, la question de savoir qui achète quoi, quand et comment vendre reste à résoudre. Si les informations sur le marché sont disponibles, notre réseau se développera davantage car nous avons une grande capacité de production.

De même, Djifa Adotevi, de S'fako, une entreprise togolaise de cosmétiques, a donné un autre exemple de changement apporté par le projet:

Avant de participer au salon Cosmoprof à Singapour, je n'avais jamais pensé à l'idée de partager mon catalogue de produits avec un client par le biais d'un QR code. A mon retour au Togo, je vais adopter cette innovation.

Grâce aux interventions du projet, plus de 2 500 emplois ont été créés au profit des jeunes et des femmes au cours de la durée du projet. 

Près d'un an après la fin du projet, cette dynamique positive se poursuit. Les entreprises privées planifient leurs achats auprès des coopératives soutenues par le projet pour la prochaine saison du karité. Les PME constatent les retombées positives des liens établis avec les marchés internationaux, et la collaboration avec les Unités nationales de mise en œuvre (UNMO) du CIR au niveau national pour tirer parti des réalisations passées, par exemple autour de la co-organisation d'événements pour le Salon international du karité de Ouagadougou (SIKO), se poursuit. Pour l'avenir, toutes les parties prenantes du karité, des coopératives féminines aux PME féminines, en passant par les entreprises du secteur privé et les UNMO, sont impatientes de continuer à exploiter le pouvoir du commerce et de grimper plus haut, en enrôlant d'autres pays sur la route.

De l'idée à l'impact, exploiter le pouvoir du commerce, à chaque étape du processus est une formule réelle pour autonomiser les femmes et contribuer à mettre fin à la pauvreté dans un monde confronté à de multiples crises. 
 

Credits
Photo: Alliance Globale du Karité
Avertissement
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