L'autonomisation et l'accès aux marchés figurent parmi les priorités de cette femme ougandaise
Comment vous êtes vous lancée dans l'artisanat ougandais?
En 2008, après mes études universitaires et de retour en Ouganda, j'ai vu des enfants jouer sur le bord de la route et je me suis demandé pourquoi ils n'étaient pas à l'école. J'ai commencé à réfléchir à la manière dont je pourrais contribuer à changer la vie de leurs mères et aider ces enfants. La plupart de ces femmes fabriquaient des objets artisanaux pour leur propre usage car nous servons la nourriture dans des paniers. Puisque Toro est une région touristique, certaines femmes avec lesquelles j'ai parlé se sont mises à faire des paniers et à les vendre le long des routes.
Plus tard, nous avons commencé à nous développer et à mettre au point de nouveaux produits. À l'heure actuelle, 700 femmes et quelques hommes travaillent avec nous. Notre produit principal est le panier. Nous sommes une organisation communautaire, c'est à dire que nous nous réunissons en tant que communauté pour nous développer autour de la fabrication de produits artisanaux.
Où vendez vous vos produits?
La Tooro Gallery se trouve à Fort Portal. La Young African Leaders Initiative m'a décerné un prix pour le travail que j'ai effectué en tant que jeune leader africaine, et j'ai noué des relations avec l'Ambassade américaine, où je vends mes produits, rencontre des acheteurs et prends des commandes. En outre, lorsque nous participons à des événements, nous faisons notre propre promotion.
Nous n'avons obtenu absolument aucun financement. Nous voulions nous écarter des subsides car la région était très touchée par la guerre et les gens commençaient à s'habituer à recevoir des aides financières. Si on nous donne de l'argent aujourd'hui, que se passera t il demain si les aides disparaissent? Achetons plutôt du matériel, fabriquons un produit et vendons le. L'ensemble de nos bénéfices provient de la vente de nos produits.
Quel est le revenu des femmes avec lesquelles vous travaillez en partenariat?
Elles touchent un bon salaire. Certaines femmes qui vivaient dans des chaumières ont pu construire des maisons avec des toits plus solides. D'autres peuvent aujourd'hui accoucher à l'hôpital.
Les communautés de femmes ont des comptes sur lesquels nous versons leur salaire. Nous avons mis au point un système de livret qui nous aide à contrôler les montants payés et les quantités achetées. Par exemple, pour une communauté qui fabrique 800 paniers et qui compte 100 membres, dont chacun porte un numéro de 1 à 100, le livret montre d'un côté la quantité produite et de l'autre, le montant versé.
Nous ne voulions pas créer un projet dans l'idée d'employer des gens et de les aider à en tirer parti pour ensuite ne pas les payer, alors nous veillons à ce que chaque personne qui fabrique un panier soit payée.
Quels sont les matériaux utilisés dans vos produits?
Nous utilisons du raphia provenant du centre de l'Ouganda appelé Mpigi car il est de bonne qualité. Nous collaborons également avec un fonctionnaire chargé de l'environnement qui travaille avec la communauté locale voisine de manière à ce que les zones humides dans lesquelles pousse le raphia soient bien gérées et préservées.
Nous utilisons également des colorants naturels d'origine végétale, par exemple du chou rouge, qui donne la couleur rose, ou du citron ou du curcuma pour la couleur jaune. Il existe une plante qui donne différentes nuances de noir et qui, selon la façon dont elle est mélangée, permet d'obtenir du vert, du marron et du brun café.
Qu'en est‑il des motifs?
Nous essayons d'ajouter une touche de modernité d'inspiration africaine. Nous utilisons bien sûr des couleurs neutres, les couleurs de la terre, mais aussi des couleurs modernes. Nous nous adaptons aux saisons et aux tendances: au mois de janvier de chaque année, nous regardons autour de nous pour savoir quelles seront les couleurs de l'année.
Chaque acheteur a ses propres préférences. Parfois, lorsque nous travaillons avec un acheteur, nous lui demandons ce qui l'inspire, puis adaptons nos produits en conséquence. J'ai donc appris à devenir créatrice moi‑même. Je dois me tenir au courant des tendances: je consulte Pinterest et d'autres sites Web pour voir ce qui se fait.
Qu'espérez‑vous pour l'avenir de votre entreprise?
Nous essayons de trouver des moyens pour accéder aux marchés et des personnes qui pourraient nous aider à le faire. En effet, nous ne recevons pas régulièrement des commandes, et quand on passe deux mois sans rien produire, on se demande si on aura d'autres clients. Il nous faut donc un processus plus continu.
Enfin, vous participez à un nouveau projet que le CIR mène avec le gouvernement et qui vise à soutenir l'artisanat et le secteur du tourisme en Ouganda. Qu'en est il?
Ce projet de promotion de l'artisanat et du tourisme est vraiment bénéfique, non seulement parce qu'il met l'accent sur les produits ougandais, mais aussi parce que le secteur de l'artisanat ougandais emploie un grand nombre de personnes, en particulier des femmes. Étant passionnée par la question de l'autonomisation des femmes et par ce que nous faisons ici, je suis attristée lorsque je vois les produits qui sont fabriqués dans d'autres pays. Pourtant, si nous étions mieux formés, par exemple grâce à un renforcement des capacités en matière de qualité et d'accès aux matières premières, je sais que nous pourrions fabriquer des produits de meilleure qualité.
Le secteur de l'artisanat et de la création a été laissé de côté. Maintenant qu'il est lié au tourisme, je pense que les activités reprendront. À mon avis, une fois que les produits et les régions dans lesquelles ils sont créés auront été mis en avant, une dynamique s'enclenchera.
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L'organisation communautaire de Mme Kalinzi fait partie d'une nouvelle initiative visant à soutenir la fabrication de produits artisanaux de haute qualité en Ouganda et à garantir que ces produits soient accessibles aux touristes. Pour en savoir plus sur le nouveau partenariat du CIR en faveur de l'artisanat et du tourisme en Ouganda, cliquez ici.
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