17 mai 2022

Pourquoi les négociants de poulets du nord du Laos ont arrêté de traverser la route

by Daniel K. Kalinaki / in Récit d'expérience

Les dialogues entre les secteurs public et privé réduisent les obstacles au commerce et évitent aux négociants de volailles d'entreprendre des voyages coûteux pour renouveler leur permis d'importation.

Les éleveurs de volailles d'Oudomxay, une province dans le nord‑ouest de la République démocratique populaire lao, croulaient sous le poids des démarches administratives. Pour acquérir des oisillons d'un jour en provenance de la Chine voisine, ils devaient demander un permis d'importation auprès du Département de l'agriculture et des forêts de la province, qui faisait remonter la demande au ministère pour approbation.

C'était un processus long et coûteux. Les éleveurs et les négociants du secteur avicole ont donc réfléchi à une solution au problème. Au lieu de demandes individuelles faisant des allers et retours le long de la chaîne bureaucratique, pourquoi le Ministère de l'agriculture et des forêts n'accorderait‑il pas un permis d'importation de volailles annuel que les fonctionnaires provinciaux pourraient contrôler à chaque fois que des importations entraient sur le territoire?

Les fonctionnaires gouvernementaux ont examiné la proposition et sont convenus que non seulement cela accélérerait le processus pour les négociants de volailles, mais que cela réduirait également leur propre charge de travail. Un nouveau processus a été élaboré. Les importateurs de volailles estiment leurs besoins annuels et déposent une demande pour un permis d'importation qui couvre toute l'année. Une fois approuvé, le permis est envoyé au poste frontière souhaité et les négociants peuvent ensuite mener leurs activités librement. Les importateurs ne demandent un autre permis aux autorités du gouvernement central que lorsque les importations excèdent le nombre figurant sur le permis. Sinon, les poulets continuent de traverser librement.

Ce petit exemple de résolution de problème est reproduit dans tout le Laos, un pays moins avancé montagneux et sans littoral situé en Asie, entouré par la Chine, le Myanmar, la Thaïlande, le Viet Nam et le Cambodge.

L'idée remonte à 2005, lorsque le Forum économique lao a été établi pour fournir une plate‑forme structurée permettant aux milieux d'affaires de dialoguer de manière significative avec le gouvernement au sujet des questions qui les concernent, y compris la facilitation des échanges et l'administration fiscale. Cela s'est mué en un dialogue national tenu une fois par an où le Premier Ministre et des hauts fonctionnaires rencontrent des représentants du secteur privé pour tenter de trouver un terrain d'entente.

En 2020, un projet soutenu par le Cadre intégré renforcé a commencé à rendre ces dialogues plus accessibles aux parties prenantes des provinces de Luangnamtha, d'Oudomxay et de Phongsaly dans le nord du Laos, qui sont des producteurs majeurs de maïs, de riz et de thé. Le but visant à soutenir les dialogues public‑privé locaux était destiné à répondre aux questions spécifiques relatives à l'activité commerciale interne, en particulier celles en lien avec l'application incohérente des lois et réglementations au niveau local, afin de supprimer les obstacles que rencontrent les entreprises dans leurs activités.

Les dialogues soutiennent aussi la participation et la représentation d'entreprises locales dans l'élaboration de politiques au niveau local et dans le cadre du Forum économique lao au niveau national, dit M. Sengxay Phousinghoa, conseiller principal du Département de la planification et de la coopération du Ministère du commerce.

Les chambres de commerce de chaque province regroupent les entreprises selon les secteurs. Les entreprises identifient les questions qui les concernent et élaborent un exposé de position contenant des recommandations sur ce qu'elles souhaiteraient que les organismes publics fassent ou arrêtent de faire. Depuis 2020, des dialogues ont été organisés dans les trois provinces entre des hauts fonctionnaires gouvernementaux et les représentants de huit grands groupes d'entreprises.

Les provinces ont un grand nombre de questions similaires: procédures bureaucratiques et redevances qui ralentissent le commerce et augmentent les coûts de l'activité commerciale, manque d'accès à un financement abordable et manque de renseignements sur les possibilités à disposition, y compris les contingents d'exportation ou les normes des principaux marchés, les coûts élevés des licences et de la mise en conformité avec les normes de protection de l'environnement, les difficultés d'accéder aux incitations à l'investissement et l'incohérence des taux d'imposition.

Toutefois, certaines questions, telles que les importations de volailles, peuvent être uniques à des provinces et à des secteurs. Dans la province de Phongsaly, par exemple, les organisateurs touristiques locaux ont indiqué que les touristes étrangers n'achetaient plus de souvenirs locaux en raison des taxes à l'exportation prélevées lorsqu'ils quittaient le pays.

Jusqu'à présent, des exposés de position ont été élaborés sur 35 questions spécifiques définies comme prioritaires dans les trois provinces. Ces documents, qui décrivent la nature du problème et son incidence et formulent des recommandations spécifiques pour y remédier, permettent un dialogue constructif entre le secteur privé et les organismes publics compétents au niveau local.

Le fait de ne pas entrer dans le jeu des reproches et de privilégier la proposition de solutions a amélioré la confiance et la coopération entre les secteurs public et privé. Le projet a aidé les chambres de commerce à renforcer leurs capacités en ce qui concerne l'organisation de dialogues locaux fructueux et la contribution au débat national.

Environ un quart de toutes les questions identifiées ont été entièrement réglées, et cette résolution de problèmes renforce la confiance entre les parties et la confiance dans le processus. Le projet a aussi montré aux citoyens des moyens plus simples de créer de nouvelles entreprises tout en permettant aux fonctionnaires locaux d'observer directement et de comprendre les difficultés liées à la création d'une entreprise, à l'importation d'intrants ou à l'exportation de produits agricoles vers les pays voisins.

"Offrir de nouvelles manières plus efficaces de lancer des petites entreprises a permis à davantage de personnes dans des zones reculées de tirer profit du commerce" a dit M. Aphisid Sengsourivong, Directeur général adjoint du Département de l'enregistrement et de la gestion des entreprises, Ministère de l'industrie et du commerce.

À mesure que les idées remontent du niveau provincial jusqu'au niveau national, elles alimentent et complètent d'autres programmes de réforme de l'activité des entreprises en cours dans le pays, y compris concernant la facilitation des échanges, font remonter le Laos dans les indicateurs du rapport Doing Business selon certains indicateurs ou contribuent à la mise en œuvre des mesures prises par le gouvernement pour faire face à la COVID‑19.

Suite à la réussite du projet, ce modèle de dialogue est en train d'être reproduit dans le sud du pays avec l'appui de l'USAID.

Il reste encore beaucoup à faire, mais l'exemple des négociants de volailles dans la province d'Oudomxay montre que les fonctionnaires et les acteurs du secteur privé peuvent trouver des solutions aux problèmes commerciaux sans se voler dans les plumes.

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