2 juin 2020

Créer un climat d'investissement favorable dans le sillage de la COVID 19

by Michelle Kovacevic / in Nouvelles

Les chaînes d'approvisionnement sont vulnérables, mais de nouveaux secteurs prometteurs s'ouvrent aux pays les moins avancés.

Alors que certaines régions du monde commencent à sortir de la crise sanitaire immédiate liée à la COVID‑19, une préoccupation majeure des gouvernements des pays les moins avancés (PMA) doit être de créer un climat favorable à l'investissement, a déclaré un expert international en politique de l'investissement.

"Le seul moyen qui permette réellement de créer des emplois durables et d'amorcer la reprise est celle de la montée en puissance du secteur privé et ce par la mise en place de conditions propices aux investissements" a déclaré Ivan Nimac, spécialiste de la politique et de la promotion en matière d'investissement à la Banque mondiale.

"Le moment est venu pour les gouvernements des PMA de s'efforcer de retenir les investisseurs actuels, de réévaluer leurs stratégies visant à attirer les investissements étrangers directs, d'éliminer les obstacles à un bon climat d'investissement et de promouvoir les secteurs dans lesquels ils ont une proposition de valeur et un avantage compétitif manifestes."

L'investissement étranger direct (IED) est un investissement réalisé par une entreprise ou un particulier d'un pays dans une entreprise située dans un autre pays. Selon le Rapport sur l'investissement dans le monde 2019, les flux entrants d'IED dans les PMA ont rebondi après avoir atteint leur niveau le plus bas en quatre ans, augmentant de 15% pour atteindre 24 milliards de dollars EU, ce qui représente 1,8% des flux d'IED au niveau mondial. Toutefois, d'autres sources de capitaux comme les envois de fonds et l'aide publique au développement (APD) restent beaucoup plus importantes que les IED dans les PMA.

"Les PMA ne reçoivent pas beaucoup d'IED parce qu'ils ont tendance à avoir des économies agraires et un espace économique formel limité", a indiqué M. Nimac, dont l'équipe a récemment publié une analyse des réponses à la COVID-19 en matière de politiques relatives au climat d'investissement.

L'analyse décrit en quoi la pandémie a infligé au monde un double choc économique.

"Du côté de l'offre, en raison des incidences de la COVID‑19 sur le travail et les intrants, le secteur privé peine à produire des marchandises. Et survient alors un choc du côté de la demande, car les gens n'achètent pas non plus de biens dans ces circonstances", a affirmé M. Nimac.

"Nous constatons également une accélération de tendances antérieures qui faisaient que les pays en développement avaient plus de mal à s'intégrer dans les chaînes de valeur mondiales et à tirer parti des IED pour le développement."As parts of the world begin to move out of the immediate health crisis of COVID-19, a major concern of least developed country (LDC) governments needs to be to create space for a strong investment climate, said an international investment policy expert.

Exacerbation du nationalisme économique

Selon l'analyse, la première réalité mise en évidence par la COVID‑19 est la vulnérabilité des chaînes de valeur mondiales.

"En raison de la mondialisation de l'économie, de nombreuses multinationales ont des sites de production qui sont répartis sur plusieurs pays. Nombre de ces installations se trouvent dans des pays en développement et des PMA. Toutefois, ce modèle est très sensible aux chocs: subitement, les intrants ne sont plus disponibles ou il y a une demande pour vos produits et toute la chaîne d'approvisionnement s'effondre", a déclaré M. Nimac.

La réaction immédiate des entreprises multinationales a été de s'efforcer d'améliorer la gestion des risques au sein de leurs chaînes d'approvisionnement. L'une des options envisagées est la diversification des fournisseurs afin qu'ils ne soient pas tous situés dans un même pays ou une même région. Une autre option consiste à ramener la chaîne de valeur plus près de l'entreprise. Cependant, certains pays mettent en place des mesures protectionnistes, a dit M. Nimac.

"La tendance prédominante a été d'être très ouvert aux IED en raison des investissements qu'ils représentent. Cependant, nous assistons aujourd'hui à une réglementation accrue dans certains secteurs, à un élargissement de la définition de la sécurité nationale qui mènera à un contrôle renforcé, ainsi qu'à des incitations pour les multinationales à concentrer toutes leurs activités sur leur territoire national. Cela pourrait entraver la participation des PMA à certaines chaînes de valeur et rendre les produits et services plus chers", a‑t‑il déclaré.

"Limiter ces pratiques à des secteurs qui sont effectivement du ressort de la sécurité nationale sera d'une importance décisive", a‑t‑il ajouté.

"Ne perdons pas le contrôle. Nous ne voulons pas que cette situation aboutisse à ce que chacun se protège de tous les autres. La résilience des chaînes d'approvisionnement ne doit pas se faire au détriment de l'efficacité."

Alors que la COVID‑19 provoque un déclin important dans des secteurs tels que le commerce de détail, l'automobile et le tourisme, d'autres secteurs sont en croissance, a précisé M. Nimac.

"Des opportunités surgissent dans les secteurs liés aux technologies de l'information, à l'intelligence artificielle, à tout ce qui aide les gens à s'adapter à la nouvelle réalité, comme la technologie numérique, les appareils médicaux. Les PMA auront plus de difficultés à être concurrentiels dans ces secteurs, du simple fait qu'ils ont pris plus de retard que les autres sur la ligne de départ", a‑t‑il déclaré.

Conserver, examiner, réformer, promouvoi

M. Nimac propose quatre mesures pour aider les gouvernements des PMA à tirer profit de l'opportunité que la COVID‑19 offre aux IED.

La première étape, la plus urgente, consiste à concentrer les efforts sur la rétention des investisseurs actuels.

"Certains investisseurs étrangers peuvent envisager de transférer leurs activités ailleurs parce que tout devient un peu trop difficile. Parlez à vos investisseurs étrangers, identifiez les problèmes qu'ils rencontrent, tentez de les résoudre, faites de votre mieux pour les garder dans le pays, car ils sont importants, ce sont eux qui créent généralement des emplois de qualité", a déclaré M. Nimac.

"La deuxième étape consiste à examiner votre stratégie en matière d'IED en vous penchant sur les secteurs qui ont attiré les IED jusqu'à présent. Êtes‑vous toujours concurrentiel dans ces secteurs, compte tenu des événements récents, ou est‑ce que la COVID‑19 a suscité la montée en puissance d'autres secteurs dans lesquels vous pourriez être performants? Cela vous aidera à être plus spécifique en ce qui concerne vos activités de promotion", a‑t‑il indiqué.

La troisième étape consiste à redoubler d'efforts pour réformer les conditions défavorables aux investissements.

"Quels sont les obstacles qui découragent les investisseurs? Il peut s'agir de mécanismes de sélection inutiles, de processus d'enregistrement des entreprises, de processus d'octroi de licences, d'un manque de protection des investisseurs étrangers … tous les principes de base d'un bon climat d'investissement s'appliquent encore", a affirmé M. Nimac.

"Et enfin, si vous avez suffisamment de marge de manœuvre, poursuivez vos efforts pour tenter d'attirer de nouveaux IED vers les secteurs dans lesquels vous êtes le plus concurrentiel."

La communauté internationale a un rôle important à jouer dans ce processus, de la suppression de la dette à l'assistance technique.

"L'assistance technique peut aider à analyser les secteurs clés, à déterminer les opportunités, à diagnostiquer ce qui doit être réformé, à renforcer les capacités des agences de promotion des investissements et à assurer les liens entre les investissements étrangers et l'économie nationale."

De nombreux pays ont construit leur modèle de développement autour de la notion de mondialisation et d'intégration dans l'économie mondiale. La pandémie incite déjà à repenser ce modèle de développement, a déclaré M. Nimac.

"On ne sait pas au juste si ce modèle de développement va vraiment être maintenu, ou si un nouveau modèle va émerger. Cela dépendra en grande partie de la vitesse de la reprise."

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