31 juillet 2018

Pour les artisans du secteur de la laine au Népal, établir les bonnes relations est essentiel

by Hang Tran Deanna Ramsay / in Récit d'expérience

Maintien des troupeaux, renforcement de la marque et expansion du marché: les producteurs népalais de pashmina visent haut

Qu'est‑ce qui fait la valeur des chèvres élevées par les populations montagnardes des régions reculées situées sur les hauteurs de l'Himalaya?

Bien entendu, cela dépend. Pour les éleveurs de chèvres des montagnes de l'Himalaya à la toison bien fournie, c'est souvent la viande, qu'ils peuvent consommer eux‑mêmes ou vendre facilement.

Les producteurs de pashmina de Katmandou, quant à eux, aimeraient rompre avec cette situation et convaincre les chevriers népalais que la laine produite par leurs chèvres élevées en plein air est précieuse et qu'elle peut leur rapporter de l'argent. Ils aimeraient également trouver de nouveaux moyens d'acheminer cette laine vers les centres de transformation situés en ville pour qu'elle vienne, à la fin, couvrir la tête, le cou et les épaules des gens dans le monde entier.

Vijoy Dugar, Vice‑Président de l'Association de l'industrie népalaise du pashmina (NPIA), a dit ceci: "Les régions de l'Himalaya où vivent ces éleveurs sont si reculées qu'il fallait auparavant une semaine pour les atteindre. Aujourd'hui, elles sont mieux desservies par les routes et on commence à acheter de la laine à des coopératives nouvellement créées pour la transformer à Katmandou."

MARQUE

Un partenariat récent entre le gouvernement du Népal, le Cadre intégré renforcé (CIR) et le Centre du commerce international (ITC) a jeté les bases des efforts actuellement déployés pour promouvoir les produits en pashmina fabriqués au Népal.

Réalisant qu'en dehors du pays, le terme "pashmina" évoquait un châle bon marché, la NPIA et l'ITC ont travaillé ensemble en vue de créer une marque forte, la marque Chyangra Pashmina, dont l'image serait associée à l'utilisation d'une laine de la plus haute qualité, à la protection sociale et à la préservation de l'environnement. Cette marque est aujourd'hui déposée dans 47 pays.

Matthias Knappe, de l'ITC, a dit ceci: "Nous avons contribué à l'élaboration d'une stratégie axée sur la meilleure façon de commercialiser la marque et avons établi une définition précise de ce qu'est la marque Chyangra Pashmina. La NPIA voulait quelque chose qui évoque l'héritage du passé, la splendeur associée au terme "pashmina", autrefois synonyme de qualité, mais qui se distingue clairement de toute perception négative existant sur le marché à l'égard du pashmina."

"Chyangra est le nom local donné aux chèvres de l'Himalaya et "pashmina" fait référence aux produits en cachemire provenant du Népal", a‑t‑il ajouté.

Grâce à cette redynamisation de la marque et à la stratégie de promotion, les exportations de 26 entreprises ont globalement augmenté de 16% et 28 entreprises ont gagné un total de 425 nouveaux clients.

Les produits de la marque Chyangra Pashmina sont aujourd'hui exportés dans 80 pays et la NPIA continue de chercher de nouveaux clients, en particulier et en priorité sur le marché du luxe. Le pays entend accroître la valeur des exportations de ces produits de 67% d'ici à 2020, selon une étude de 2016 sur l'intégration du commerce dans le pays réalisée avec le soutien du CIR.

À LA MODE

Les produits en pashmina arrivent en troisième position dans les exportations népalaises de marchandises et les producteurs locaux sont fortement tributaires des marchés d'exportation. En plus de renforcer la marque Chyangra Pashmina, le projet vise à diversifier les produits d'exportation afin de proposer autre chose que le traditionnel châle.

Dugar a dit ceci: "Avant, on ne vendait que des châles; aujourd'hui, nous fabriquons beaucoup de vêtements, qui ne sont plus seulement tissés mais aussi tricotés – environ un quart des exportations sont des tricots qui sont tous des produits de luxe fabriqués à Katmandou."

En fabriquant à la fois des articles tissés comme les châles et les écharpes et des articles tricotés comme les cardigans, le secteur s'efforce non seulement de s'adapter à la demande, mais aussi de la stimuler. Une des approches adoptées consiste à former les étudiants aux activités qui impliquent de travailler avec la laine dont dépend leur pays.

"Au Népal, et en particulier à Katmandou, il n'y a pas beaucoup d'institutions qui travaillent dans le design textile. Nous avons travaillé avec l'une des écoles de design reconnues et avons commencé à dispenser des cours sur la conception et la fabrication de produits en pashmina; aujourd'hui, nous avons environ 60 à 70 étudiants", a dit Dugar.

À la suite du tout premier cours sur le cachemire dispensé dans le pays, qui portait sur l'utilisation du cachemire et sur la conception de produits en cachemire, les étudiants ont organisé un défilé de mode pour présenter leurs créations – un projet de formation qui, considéré dans sa globalité, vise à créer une filière unique pour faire en sorte que le secteur du pashmina s'adapte et se développe afin de répondre aux besoins de ses consommateurs dans le monde.

Apprendre à de jeunes créateurs à innover avec l'un des principaux produits d'exportation du Népal permet de créer une base solide pour le commerce futur.

DIAMANT BRUT

Le projet a permis d'identifier un besoin important, celui de renforcer les liens entre les éleveurs de chèvres de l'Himalaya et les transformateurs qui utilisent cette laine pour fabriquer des vêtements destinés aux humains. La création de réseaux de ce type constitue la prochaine étape pour la marque Chyangra Pashmina et les partisans de son développement.

Knappe a dit ceci: "L'objectif est de rapprocher les éleveurs des acheteurs à Katmandou. Actuellement, les éleveurs de chèvres Chyangra vendent principalement leur fibre à des négociants tibétains et chinois, ceux‑ci étant plus près géographiquement et plus susceptibles de parler leur langue, contrairement aux Népalais de Katmandou. Il est donc logiquement plus facile de négocier avec eux."

Il a toutefois ajouté ceci: "Pour un pays, il n'est pas idéal que la matière première sorte du territoire national pour ensuite y revenir sous forme de fil."

Le sous‑poil des chèvres Chyangra est appelé "fibre de diamant"; lorsqu'il est minutieusement prélevé – par peignage des chèvres – et tissé à la main pour en faire du cachemire, sa qualité est une des meilleures au monde. Or au Népal, en l'état actuel des choses, l'offre de fibre provenant directement des chèvres de l'Himalaya n'est tout simplement pas suffisante pour satisfaire la demande mondiale de pashmina.

Dugar a affirmé ceci: "Cette race de chèvre s'est détériorée au cours des 100 dernières années, car pour les éleveurs, la laine n'avait pas autant de valeur que la viande. Les chevriers croisaient leurs chèvres avec d'autres animaux afin d'obtenir des chèvres plus grosses produisant plus de viande. Aujourd'hui, ils ont davantage conscience du fait qu'ils pourraient aussi vendre la laine à bon prix."

Avec le renforcement de la marque Chyangra Pashmina sur les marchés national et international et l'intérêt renouvelé pour le commerce du pashmina grâce au partenariat récent avec le CIR, on espère que l'attention sera dorénavant portée sur ce dont les éleveurs et leurs troupeaux ont besoin pour prospérer.

L'amélioration de la chaîne d'approvisionnement depuis la chèvre jusqu'au producteur de Katmandou, en passant par l'éleveur, permettrait tout simplement aux populations vivant aux plus hautes altitudes de tirer encore plus de profits de leurs troupeaux, et l'un des grands marchés d'exportation du Népal aurait encore plus à offrir au monde, notamment de magnifiques articles en cachemire provenant directement de la source.

Credits
Header image of a wood biology lab in the Democratic Republic of the Congo - ©Axel Fassio/CIFOR via Flickr Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivs 2.0 Generic (CC BY-NC-ND 2.0) https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/
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