27 mai 2019

Détoxification des cultures en Gambie – à partir de zéro

by Deanna Ramsay Michelle Kovacevic Violeta Gonzalez Behar Abdouramane Diallo / in Questions réponses

Éliminer un polluant des fruits à coque permet de sauver des vies et de préserver des moyens de subsistance au cours du processus

Si vous êtes au courant des tendances à la mode ou de certains types de bien être promus par les célébrités, vous savez probablement qu'il est nécessaire d'éliminer les toxines de votre corps (et de votre vie). Ce que ces toxines sont exactement reste un mystère, mais il existe des milliers d'options dans le monde pour nettoyer, purger et purifier.

En Gambie, on sait exactement ce que ces toxines combattent et pourquoi, et un projet pilote a lancé une bataille qui marque un tournant.

L'aflatoxine est produite par un type de champignon que l'on trouve dans les cultures en milieu humide, et constitue un danger pour les êtres humains, les animaux et les végétaux. Si elle est ingérée, par exemple dans du beurre de cacahuète ou du maïs contaminé, cela représente un risque accru de cancer du foie et, chez l'enfant, de retard de croissance et de problèmes de développement.

En Gambie, la population dépend énormément des cultures qu'elle cultive elle même et, avec une économie nationale extrêmement liée aux exportations agricoles, faire en sorte que les champs et les aliments soient exempts de ce champignon est d'une importance capitale.

"Les niveaux internationaux d'aflatoxine acceptables autorisés pour les arachides dans l'Union européenne sont de 4 parties par milliard. En Gambie, le niveau d'aflatoxine peut atteindre 20 parties par milliard ou plus; de ce fait, depuis 2014, les arachides de Gambie n'ont pas pu accéder aux marchés de l'UE", a expliqué Abdouramane Diallo, de la Division des politiques et des partenariats de la Société internationale islamique de financement du commerce (ITFC).

Cela a entraîné des pertes à hauteur de 20 millions de dollars EU, a t il ajouté.

UNE SAINE OCCUPATION

Alors comment se débarrasser de ce champignon, qui apparaît, comme tous les autres champignons, en milieu très humide et avec des pratiques de stockage inappropriées, et qui porte préjudice à l'économie d'un pays et à la vie de ses citoyens?

"L'Institut international d'agriculture tropicale [IITA] a développé l'Aflasafe pour lutter contre l'aflatoxine … Notre objectif est d'encourager les agriculteurs à l'utiliser, nous les avons donc formés et nous leur donnons gratuitement de l'Aflasafe au cours de cette phase pilote", a dit Ebrima Njie, responsable du contrôle de la qualité à la Coopérative pour la sécurité alimentaire nationale (NFSC).

L'Aflasafe est apparenté à la souche fongique qui cause l'aflatoxine, et lorsqu'il est présent sur des cultures, il "occupe" les plantes, empêchant la toxine de se développer.

Pendant la phase 1 de ce projet pilote, soutenu par l'ITFC et le Cadre intégré renforcé (CIR), 6 936 agriculteurs du nord de la Gambie ont suivi une formation sur les dangers de l'aflatoxine, ont reçu de l'Aflasafe et l'ont utilisé sur leurs cultures.

La première série de tests sur ces récoltes a permis de mesurer des niveaux d'aflatoxine entre zéro et 4 parties par milliard, ce qui signifie que les fruits à coque sont désormais suffisamment sains pour être exportés vers l'UE. La prochaine étape consistera à acheter ces récoltes directement aux agriculteurs, avec une prime. Puis à répéter avec plus d'agriculteurs.

"C'est un projet très pragmatique. Nous avons acheté 100 tonnes d'Aflasafe qui seront, au final, utilisées sur 5 000 hectares de 7 000 exploitants agricoles, dans le but de réduire le niveau d'aflatoxine et d'augmenter le revenu des agriculteurs. En vendant des récoltes exemptes d'aflatoxine à la NFSC, ils obtiendront d'abord 15% de plus pour leur produit, parce qu'il peut être exporté vers l'UE, et la prime pourra atteindre 30% à long terme", a dit M. Diallo.

Il a ajouté: "Au cours des deux années à venir, le projet pilote va nous montrer l'étendue des ressources nécessaires, le nombre de personnes et les équipements dont nous avons besoin. Nous exploiterons les leçons tirées du projet pilote de manière à pouvoir appliquer cela à l'échelle nationale dans trois ans environ."

Les leçons tirées sont notamment que les champs traités avec de l'Aflasafe peuvent permettre d'accroître les revenus des agriculteurs et qu'il faut avoir conscience des recettes potentielles liées aux exportations. La première phase a aussi montré que des achats d'arachides au moment adéquat auprès des agriculteurs dépendaient d'une maîtrise cruciale et nécessaire de l'interdépendance des activités entre le gouvernement, la NFSC et l'ITFC.

NETTOYAGE

L'arrivée de ces arachides exemptes de toxines dans l'UE contribuera à faciliter l'acceptation sur les marchés et à établir une nouvelle marque pour un produit qui avait été considéré comme contaminé, a ajouté M. Diallo. Et les arachides de Gambie peuvent ensuite obtenir de meilleurs prix à l'exportation.

Passer à l'échelle nationale signifie que toutes les cultures d'arachides du pays auront été traitées et seront exemptes d'aflatoxine, ce qui aura des conséquences non seulement sur les exportations de la Gambie à destination de l'UE, mais aussi sur les Gambiens eux mêmes.

"Ces travaux peuvent faciliter énormément de choses, en plus de l'accès aux marchés internationaux. Si vous connaissez la Gambie, vous savez qu'il existe de nombreuses variétés d'arachides et que ce produit est très important car tout le monde l'utilise dans l'alimentation", a dit M. Njie.

"Nous faisons de la soupe, du porridge, avec les arachides, ou alors nous les cuisinons avec du riz, il y a aussi un couscous local à base d'arachides, ainsi que le gâteau aux arachides – cela fait partie de notre régime alimentaire. Cela rend notre nourriture saine."

Ainsi, cet effort se situe à un endroit particulier où la santé publique et le commerce se rencontrent. Des arachides plus "propres" permettront d'obtenir plus de marchés d'exportation et plus de revenus pour les agriculteurs, et auront aussi des conséquences en termes de santé qu'il est impossible de quantifier.

"J'espère que, entre 2020 et 2022, nous pourrons dire que nous avons combattu et atténué les impacts de l'aflatoxine dans le pays. L'ITFC est, d'un point de vue technique, une institution de financement du commerce, et les produits de financement du commerce sont un instrument à court terme. Mais nous sommes également une institution qui œuvre pour le développement du commerce. La combinaison des deux offre un grand potentiel pour atteindre des objectifs concrets en matière de développement en un temps très court. En fait, outre les dons et le soutien international mobilisés pour le programme de réduction de l'aflatoxine, l'ITFC fournit chaque année 20 millions de dollars EU pour le financement du commerce à l'industrie de l'arachide de la Gambie", a dit M. Diallo.

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