19 janvier 2021

Changer les mentalités, redonner le moral aux agriculteurs des Îles Salomon

by Deanna Ramsay / in Récit d'expérience

De toutes nouvelles formations destinées aux agriculteurs abordent des thèmes allant de la créativité à la maîtrise des notions financières.

Il est peu probable que les quelque 200 producteurs de taro et de manioc des Îles Salomon aient déjà assisté à ce type d'ateliers auparavant. Comme la plupart du monde, d'ailleurs.

À un renforcement des compétences agricoles des plus courants s'ajoutait autre chose – qui relevait de l'état d'esprit. Élaborée par Rex Maukera, psychiatre et propriétaire d'une petite entreprise, la formation s'appuie sur la connaissance bien réelle du fait que la réussite d'un agriculteur ne tient pas uniquement aux tâches difficiles que sont labourer, planter et récolter, mais aussi à la conscience de soi, à l'équilibre et à la concentration.

 "Je me demandais pourquoi certains pays qui ont moins de ressources que les Îles Salomon réussissent, et il me semble que c'est en partie une question d'état d'esprit. Nous avons les ressources, les compétences, les talents, et nous attendons. Il y a bien sûr d'autres facteurs qui contribuent également à la pauvreté dans le pays, mais nous pourrions aussi restreindre le champ du problème pour nous pencher sur celui de l'état d'esprit", a expliqué M. Maukera, qui a obtenu son diplôme en Papouasie‑Nouvelle‑Guinée.

Il a poursuivi: "J'ai mis en place ces formations axées sur l'état d'esprit, en les mettant à l'essai avec des vendeuses sur les marchés, puis avec des jeunes, pour que nous puissions nous organiser. J'ai ensuite commencé à travailler avec d'autres groupes de personnes qui étaient intéressées."

Le résultat? Quatre journées remplies d'une variété de réflexions portant sur les particularités de l'économie agricole, l'optimisme et la création de richesses, avec une pointe d'initiative personnelle et un espace pour produire des idées et se mettre au défi. J'en suis.

Prise de conscience

"Nous avons commencé par essayer de rallier les agriculteurs à l'objectif général, qui concerne le côté de l'offre, et aux moyens d'y parvenir. Souvent, ces types de formations abordent directement les techniques agricoles, les techniques de gestion des exploitations, la planification, la comptabilité; on dit ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire, puis on en oublie d'évaluer le rôle que joue chaque agriculteur dans la réalisation de l'objectif général – l'exportation. Voilà les principes de base", a indiqué John Paul Alasia, coordonnateur de projet du Cadre intégré renforcé (CIR) aux Îles Salomon.

Partant du constat que la plupart des agriculteurs du pays cultivent ce dont ils ont besoin pour vivre et vendent les excédents (le cas échéant), M. Alasia et l'équipe du CIR ont mis au point ce programme de formation unique en son genre afin d'obtenir de meilleurs rendements pour les agriculteurs, qui se traduiront par une augmentation de leurs revenus.

Et, ce faisant, ils ne négligent pas le facteur psychologique.

"Je commence par des sujets comme le fait de se connaître soi‑même pour promouvoir la conscience de soi, pour parler ensuite de la créativité et de l'innovation, ce qui permet aux participants de trouver de nouvelles idées. J'inclus également des questions liées à l'égalité des genres et à la société pour aider les agriculteurs à comprendre leurs rôles dans la société. Nous ajoutons aussi d'autres thématiques qui leur permettent de mener un véritable travail en équipe et d'éveiller un sens de la responsabilité les uns envers les autres. Nous concluons en parlant du temps qu'il faut se consacrer à soi‑même et des techniques contre le stress", a précisé M. Maukera.

Les agriculteurs eux‑mêmes sont au centre des efforts de "projection de soi‑même". Outre l'attention portée sur les techniques agricoles, un nouveau paradigme potentiel est présenté aux participants et intègre la personne en tant que travailleur de la terre, gérant d'exploitation et membre d'une famille.

 

Prise en charge de soi‑même

 

Cette approche globale met l'accent sur le fait qu'une exploitation agricole est une entreprise, et que pour en être à la tête, certaines compétences sont nécessaires.

"Nous travaillons sur un changement d'attitude par rapport à ce qu'ils font et à la façon dont ils conçoivent l'agriculture, pour les orienter vers l'aspect entrepreneurial des exploitations agricoles. Les avis que nous donnent les producteurs de manioc et de taro sont véritablement positifs, et nous avons eu quelques bonnes discussions avec les participants qui nous ont demandé d'élargir nos activités et d'aller à la rencontre d'autres groupes et d'autres agriculteurs", a déclaré M. Alasia.

Selon M. Maukera, l'objectif est de faire parvenir les participants à un changement de comportement qui profite à eux‑mêmes et à leur entourage.

"J'ai rencontré un des producteurs de taro hier. Il me disait – car nous avons montré la vidéo d'un danseur pendant la formation – "Je danse, je danse déjà, j'ai planté près de 2 000 pieds de taro." J'étais ravi, je me suis dit que quelque chose était en train de se passer", a‑t‑il indiqué.

Optimisme

Les formations à Guadalcanal, Honiara et Malaita étaient les premières d'une série soutenue par le CIR, et deux autres sont prévues, l'une pour des producteurs de taro et l'autre pour des agents de terrain dans le domaine agricole. Ce soutien s'inscrit dans le cadre des travaux plus larges menés par le CIR avec les autorités des Îles Salomon en vue de multiplier les possibilités économiques des personnes travaillant dans le secteur agricole. Une partie de ce projet devrait porter sur les marchés d'exportation.

"Nous voulons connecter les agriculteurs aux marchés. Nous voulons faire du taro et du manioc des produits d'exportation. Nous espérons commencer l'année prochaine à exporter vers d'autres marchés du Pacifique", a déclaré M. Alasia.

Plus des trois quarts de la population active des Îles Salomon pratiquant l'agriculture de subsistance et la pêche de subsistance, le développement des exportations présente d'importantes potentialités.

"Il existe des solutions et des occasions à saisir pour nos agriculteurs. L'un des défis auxquels nous sommes confrontés est lié aux marchés. En septembre, nous avons réussi à exporter un conteneur de manioc vers l'Australie", a indiqué M. Alasia.

L'augmentation des produits à exporter grâce à des agriculteurs locaux à l'énergie et aux capacités renforcées devrait aider.

 

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