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Malgré le grand nombre de pays sortant de la catégorie des PMA et les impressionnantes avancées économiques et sociales réalisées par plusieurs de ces pays, les inégalités augmentent. Toutefois, les gouvernements et la communauté internationale peuvent contribuer à faciliter la transition.
Cela implique de proroger les mesures de soutien international au‑delà de la date de sortie, et de concevoir de nouveaux mécanismes pour les pays sortants et les pays déjà retirés de la liste des PMA.
Prolonger les mesures existantes
Il conviendrait d'insister auprès des donateurs officiels afin qu'ils remplissent leurs objectifs en matière d'aide en faveur des PMA au‑delà de la date de retrait de la liste (même si, paradoxalement, ils offrent déjà une assistance au développement plus importante aux PMA sortants qu'aux autres, peut‑être parce qu'ils cherchent à investir dans des pays affichant une croissance plus rapide, dans lesquels les projets ont des rendements plus élevés).
Le commerce contribue à réduire la pauvreté; ses avantages ne devraient donc pas être supprimés trop tôt, ce dont est conscient le Cadre intégré renforcé, qui continue d'apporter une aide pendant cinq ans après la sortie d'un pays de la catégorie des PMA.
L'initiative "Tout sauf des armes" (TSA) de l'Union européenne reste accessible aux pays sortis de la catégorie des PMA pour une durée standard de trois ans après leur retrait de la liste – pourquoi ne pas la prolonger encore davantage cette période? Les importateurs européens de vêtements s'approvisionnent en grande partie et de plus en plus dans les PMA sortants d'Asie de l'Est; il ne devrait donc pas être difficile de faire accepter cette mesure. Une aide pourrait être apportée par l'intermédiaire d'autres schémas de préférences, en mettant par exemple en place les conventions internationales nécessaires pour bénéficier du schéma "SGP plus". Les États‑Unis pourraient eux aussi augmenter le nombre de produits visés par leur propre schéma de préférences.
Les règles d'origine selon lesquelles des marchandises sont considérées comme provenant de PMA sont souvent trop strictes, et les pays développés pourraient envisager d'étendre les termes simplifiés aux PMA après leur transition.
Il serait aussi utile de prolonger les flexibilités à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), notamment l'exception à l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, qui autorise les fabricants de produits pharmaceutiques bangladais à copier des médicaments brevetés et à délivrer des licences obligatoires, ce qui leur permet d'exporter à moindre coût dans d'autres PMA.
La communauté internationale pourrait aider les anciens PMA à unir leurs forces dans les négociations. À l'ONU, à l'OMC et dans les négociations sur le climat, le groupe des PMA a un pouvoir de négociation collectif considérable. Subordonner la fourniture de ressources à la collaboration croisée entre les négociateurs chargés des questions commerciales et ceux chargés des questions climatiques permettrait de supprimer les cloisons qui existent souvent entre ces deux groupes.
Essayer autre chose
Outre la prolongation du soutien existant pour les PMA après leur sortie de la catégorie, il conviendrait d'envisager de nouveaux mécanismes ciblés pour les PMA sortants et les pays déjà retirés de la liste des PMA.
La capacité de production reste le principal problème. Indépendamment de l'étendue de l'accès aux marchés dont ils bénéficient, la plupart des PMA auront toujours du mal à produire suffisamment, raison pour laquelle un si grand nombre d'entre eux accusent un déficit commercial.
La communauté internationale doit continuer d'aider les PMA à accumuler du capital, à renforcer la technologie et à encourager les liens intérieurs et l'entrepreneuriat, nécessaires à l'accroissement de la production. Les pays sortants peuvent se permettre d'investir une plus grande partie de leur revenu total dans le renforcement de la production que de nombreux PMA en dessous du seuil, qui doivent accorder la priorité à la consommation. Les pays sortants sont également particulièrement ouverts à l'assistance technique. Pourquoi ne pas créer un fonds dédié à la transformation de la production pour tous les PMA, qui comprenne une assistance ciblée pour les pays sortants, en tirant parti des exemples de réussite des pays à revenu intermédiaire?
Les dépenses publiques restent la meilleure manière de remédier aux inégalités, et les PMA ont souvent du mal à collecter suffisamment d'impôts. Au Bangladesh, les recettes fiscales ne représentent que 8,8% du produit intérieur brut, moins que la moyenne des PMA. Le manque de fonds publics pour les infrastructures explique en partie la lenteur du développement des routes et des ports du pays. La gestion des finances publiques est déjà un élément essentiel de l'assistance internationale au développement. L'élargissement de la base d'imposition aide les pays à financer eux‑mêmes leur développement et réduit leur dépendance aux mesures d'aide.
Un mécanisme dédié aux PMA sortants présenterait‑il un intérêt, en particulier alors que ces pays sont confrontés à la perspective d'une baisse des flux d'aide à plus long terme? Les efforts accomplis au niveau multilatéral pour endiguer les pertes de recettes fiscales, garantir la transparence dans le domaine bancaire et engager des réformes concernant les paradis fiscaux sont tout aussi importants, si ce n'est plus.
Pour ce qui est de la gestion des finances publiques et d'autres domaines, les pays sortants nécessitent des orientations utiles et appropriées tirées de contextes similaires. La capacité technique de la plupart des pays sortants a suffisamment évolué pour que les responsables politiques puissent mettre en œuvre des conseils nuancés. Les difficultés auxquelles sont confrontés les pays sur le point de sortir de la catégorie des PMA sont toujours plus techniques et plus spécifiques. Il existe à présent une masse critique de pays suffisante pour ce qui est de l'aide mutuelle en matière d'analyse et de politique.
Il conviendrait d'augmenter le financement pour les groupes de réflexion de pays du Sud et d'anciens et d'actuels PMA afin de renforcer l'appropriation des propositions politiques et de faire en sorte que les recommandations puissent être adaptées au contexte national.
Parmi les organismes importants dans les PMA sortants figurent le Centre pour le dialogue politique du Bangladesh, l'Institut de développement du Myanmar, l'Institut national de recherche économique de la République démocratique populaire lao et le South Asia Watch on Trade, Economics and the Environment au Népal. Les conseils devraient cibler différents groupes, tels que les pays asiatiques, les pays insulaires ou les pays sans littoral.
Un grand nombre des PMA sortants et d'anciens PMA plus petits (comme d'autres) ont de la peine à s'acquitter des formalités administratives relatives au financement de l'action climatique. Selon le rapport sur les PMA 2016 de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, "si de nombreux fonds ont été créés pour l'adaptation, il en est résulté une architecture complexe constituée de multiples organismes bilatéraux et multilatéraux; certains des fonds existants sont encore nettement sous‑financés, et l'accès à ces fonds est complexe et prend du temps, en particulier pour des pays comme les PMA dont les capacités institutionnelles sont limitées".
S'il est important de s'assurer que les fonds sont correctement dépensés, les organismes tels que le Fonds pour l'environnement mondial devraient être incités à simplifier leurs procédures ou à aider les bénéficiaires dans leurs demandes. La plupart des PMA sortants ne remplissent pas le critère relatif à la vulnérabilité économique. Un meilleur accès aux mécanismes d'assurance des risques de catastrophe contribuerait également à remédier à certains des effets sur les plus mal lotis.
Atteindre les plus démunis
Même si l'assistance technique fait partie de l'équation, les progrès économiques globaux n'atteignent pas toujours tous les segments de la société. L'accroissement des inégalités dans de nombreux pays du monde en a incité plus d'un à repenser l'inclusion sociale. Une solution pourrait être de remettre de l'argent liquide directement aux personnes marginalisées. Un mécanisme de transfert d'espèces dédié aux pays sortants et aux pays déjà sortis de la catégorie des PMA pourrait grandement contribuer à ce que tous les segments de la société profitent des avancées économiques.
Dans les pays sortants plus grands dont il paraît probable qu'ils recevront un soutien moins important à long terme, la croissance économique peut s'accompagner d'un accroissement des inégalités. Dans d'autres pays, tels que Kiribati, Sao Tomé‑et‑Principe, les Îles Salomon, Tuvalu et Vanuatu, la capacité d'absorption de l'aide atteint déjà ses limites. Ces pays plus petits, qui sont souvent très inégalitaires, ont un haut niveau d'aide publique au développement par habitant, mais leurs gouvernements sont souvent dépassés par le financement du développement traditionnel.
Les transferts directs non conditionnels sont une solution qui a fait ses preuves. Environ 130 pays à faible revenu et à revenu intermédiaire appliquent au moins un programme de transfert d'espèces non conditionnel et non financé par des cotisations soutenu par le gouvernement, des donateurs, ou les deux.
Des recherches sur les programmes de transfert d'espèces par des donateurs tels que le Royaume‑Uni montrent que les programmes existants réduisent la pauvreté monétaire, accroissent le taux de fréquentation scolaire, encouragent le recours aux services de santé et améliorent la diversité de l'alimentation, réduisant le travail des enfants et augmentant le pouvoir de décision des femmes. Les transferts ciblent également les personnes marginalisées et conduisent à des résultats plus justes et plus équitables, créant un filet de sécurité social précieux pour les personnes vulnérables.
Créativité et ambition
Il existe naturellement bien d'autres moyens par lesquels les donateurs et les organismes multilatéraux pourraient améliorer l'aide offerte aux PMA sortants, en particulier en ce qui concerne les mesures visant à réduire les inégalités.
"Et pourquoi pas les autres PMA? Et pourquoi pas les pays à revenu intermédiaire qui rencontrent des difficultés similaires?", pourrait‑on évidemment se demander. L'aide publique au développement est cependant déjà en train d'être remaniée dans le cadre du programme de financement du développement. Les donateurs du Comité d'aide au développement de l'OCDE cherchent à redéfinir l'aide afin d'inclure les financements privés et mixtes. Il s'agit d'une excellente occasion de mieux axer les nouvelles formes d'assistance sur les besoins spécifiques des PMA sortants, permettant ainsi de satisfaire aux besoins d'autres bénéficiaires de manière plus précise. La persistance des inégalités dans des pays pourtant dynamiques requiert une approche plus nuancée et ciblée.
Le programme de développement durable à l'horizon 2030 énonce clairement que les nouvelles formes d'aide au développement doivent être adaptées aux besoins des plus défavorisés. Le secteur privé, les donateurs et les bénéficiaires ont tous un intérêt à ce que personne ne soit laissé de côté.
Un peu d'ambition, d'invention et de créativité peuvent permettre de réaliser de grandes avancées. Chaque habitant de ces 12 PMA sortants mérite de profiter de ces succès.
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Cet article est le deuxième d'une série de deux articles. La première partie porte sur l'augmentation des inégalités au Bangladesh et dans d'autres PMA.
Daniel Gay est conseiller indépendant et collabore avec le Comité des politiques de développement des Nations Unies sur les pays les moins avancés. Vous pouvez vous abonner à son compte Twitter @DanGay
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