Le 4 décembre 2020, le Vanuatu a renoncé à être officiellement classé dans la catégorie des pays les moins avancés (PMA) du monde. Cette étape importante, appelée "retrait de la liste des PMA", a seulement été franchie par 5 autres pays au cours des 40 dernières années. En outre, le retrait du Vanuatu de la liste des PMA est peut‑être le plus impressionnant de tous car, ces quelques dernières années, le pays a non seulement dû surmonter les conséquences économiques et sociales importantes des catastrophes naturelles répétées, mais aussi une chute majeure des recettes touristiques liée aux fermetures des frontières pendant la pandémie mondiale de COVID‑19.
À une époque où les vulnérabilités économiques sont exacerbées, certains se sont demandés si c'était le bon moment pour que le Vanuatu renonce à son statut de PMA. En effet, c'est un choix courageux – en apparence, il peut sembler qu'il y a plus à perdre qu'à gagner d'un retrait de la liste des PMA. Les pays qui sortent de la catégorie des PMA renoncent généralement aux mesures de soutien international destinées aux PMA, telles qu'un accès préférentiel aux marchés, un financement de l'aide multilatérale ciblé, des conseils juridiques gratuits et une assistance technique de la part de certains organismes des Nations Unies, ou encore une aide pour les frais de voyages afin d'assister aux réunions internationales des Nations Unies.
Bien que les conséquences de la perte des mesures de soutien international dépendent des marchandises qu'un pays exporte, des accords commerciaux auxquels il est partie, ainsi que d'autres facteurs, les évaluations de l'impact du retrait de la liste des PMA réalisées par le Comité des politiques de développement de l'ONU ont montré qu'en réalité, la perte de ces mesures ne faisait guère de différence dans la pratique.
Dans le cas du Vanuatu, les exportations de marchandises ne représentent que 7% environ de la production économique globale et les destinations de ces exportations ne sont pas les principaux pays donneurs de préférences. La perte de l'accès préférentiel aux marchés ne devrait donc pas avoir un grand impact sur l'économie. S'agissant du financement de l'aide, l'Australie et la Nouvelle‑Zélande – deux des principaux partenaires bilatéraux de développement du Vanuatu – ont assuré au Vanuatu que leur soutien ne serait pas subordonné au statut du Vanuatu au regard de la catégorie des PMA.
Peut‑être que, de façon surprenante, le changement de statut peut en fait déclencher davantage de financements, car il démontre aux partenaires de développement et au secteur privé que le pays est en pleine croissance et prêt à faire des affaires. Prenons le cas du pays voisin du Vanuatu, les Samoa, qui ont été retirées de la liste des PMA en 2014. Les données du Lowy Institute montrent que, dans les années qui ont suivi le retrait des Samoa de la liste des PMA, l'aide fournie au pays a en réalité augmenté.
Pour le Vanuatu, la réalité est qu'il n'y aura jamais de "bon moment" pour sortir de la catégorie des PMA. En tant que pays du monde le plus exposé aux catastrophes naturelles, il ne peut échapper aux défis que celles‑ci continueront de poser pour les progrès sociaux et économiques du pays. Reconnaissant cette situation, le Vanuatu a plutôt choisi de s'efforcer de structurer judicieusement sa période de transition d'une durée de cinq ans, de façon à optimiser la réussite de sa sortie de la catégorie des PMA.
Une demande sans précédent
Lorsque le Conseil des ministres du Vanuatu s'est réuni en septembre 2020 pour décider de la façon de procéder alors que la date de retrait de la liste des PMA se profilait, deux options s'offraient à lui. La première option consistait à demander à l'ONU le report du retrait de la liste des PMA – ce qui s'était déjà produit cinq ans auparavant en raison des conséquences dévastatrices du cyclone Pam.
La deuxième option consistait à sortir de la catégorie des PMA et à demander la prorogation des mesures de soutien international jusqu'à la fin de la période de transition. La prorogation des mesures de soutien international n'avait jamais été demandé auparavant par un pays sortant de la catégorie des PMA – il n'existait pas de précédent et il n'y avait aucune garantie que cette demande serait approuvée par l'Assemblée générale des Nations Unies. Malgré cela, les Ministres ont décidé de choisir la deuxième option.
Quelques semaines plus tard, le Premier Ministre du Vanuatu, Bob Loughman, s'est adressé avec fierté à l'Assemblée générale des Nations Unies, en disant ce qui suit: "Notre parcours sur la voie du développement n'a jamais été meilleur … [mais] il n'a pas été facile de décider si le Vanuatu devait ou non sortir de la catégorie des PMA … après de nombreuses délibérations, le gouvernement a pris la décision audacieuse de servir d'exemple à la famille des Nations Unies, pour montrer que son peuple est fort et résilient en dépit des conditions naturelles qui marquent son existence."
En coulisses, les ambassadeurs du Vanuatu ont œuvré pour que la demande de prorogation bénéficie d'un soutien. Et lorsque l'Assemblée générale a annoncé qu'elle approuvait la demande du Vanuatu, elle a envoyé un signal important à la communauté internationale – à savoir que, même si le Vanuatu pouvait voler de ses propres ailes, il avait encore besoin de soutien. L'approbation des Nations Unies a aussi permis de nuancer le récit que l'on fait généralement des histoires de sortie de la catégorie des PMA – il ne s'agit plus simplement d'une histoire de perte, mais d'une histoire de force de soutien. Même si l'Assemblée générale des Nations Unies n'a pas dans les faits le pouvoir de prescrire aux partenaires bilatéraux et multilatéraux de proroger leurs mesures de soutien en faveur des pays sortant de la catégorie des PMA, les résolutions de l'ONU ont du poids dans les négociations avec les partenaires de développement. En effet, alors que le Vanuatu promulgue sa stratégie de transition sans heurt pour les cinq prochaines années, le soutien des partenaires de développement sera crucial.
Plusieurs initiatives des Nations Unies sont déjà en cours au Vanuatu pour soutenir ces efforts. Le Comité du développement des Nations Unies expérimente un mécanisme de soutien pour le retrait de la liste des PMA renforcé, destiné à aider le Vanuatu à négocier de nouveaux arrangements en matière de commerce et d'investissement, en particulier avec ses principaux partenaires commerciaux et donateurs. Les leçons tirées du projet pilote du Comité de développement des Nations Unies serviront à améliorer le soutien offert à l'avenir aux autres pays sortant de la catégorie des PMA. En outre, la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l'Asie et le Pacifique met en œuvre un programme de renforcement des capacités qui aide les fonctionnaires gouvernementaux chargés du commerce à être mieux préparés pour les négociations commerciales. Alors que l'on s'attend à ce que la COVID‑19 continue de mettre à rude épreuve le secteur du tourisme et l'environnement commercial au sens large au Vanuatu dans l'avenir, ces deux programmes mis en place par l'ONU aideront le gouvernement du Vanuatu à s'efforcer de récupérer rapidement des recettes pour le pays.
Alors qu'il est prévu que le Bhoutan, l'Angola, les Îles Salomon et São Tomé‑et‑Príncipe sortent de la catégorie des PMA, et que sept autres PMA pourraient le faire dans les années à venir, il y a beaucoup à apprendre de la préparation précoce du Vanuatu, de son courage, de son adaptabilité et de l'importance qu'il a accordé aux partenariats afin d'assurer un processus de retrait sans heurt de la liste des PMA.
Alors que la COVID‑19 peut accroître les craintes existantes au sujet de la perte de soutien qui résulte du retrait de la liste des PMA, l'exemple du Vanuatu montre qu'il est possible de trouver un point de jonction en se préparant tôt, tout en ayant des plans adaptables et réactifs face aux changements et aux défis mondiaux. L'importance d'un soutien actif de la part de la communauté internationale pour maintenir la confiance d'un pays qui compte se retirer de la liste des PMA, en particulier à ce moment incertain de l'histoire de l'humanité, ne doit pas être sous‑estimée.
Merci à Luisa Letlet et Brill Palmer du Ministère du tourisme, du commerce extérieur, du commerce, de l'industrie et des affaires intérieures du Vanuatu et à Daniel Gay pour leurs contributions à cet article.
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