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De nombreux petits États insulaires en développement (PEID) et pays parmi les moins avancés (PMA) sont perpétuellement exposés aux catastrophes naturelles et au changement climatique.
Les Bahamas n'ont pas fini de faire le bilan du passage de l'ouragan Dorian, alors qu'il y a à peine plus d'un an les ouragans Irma et Maria dévastaient les Caraïbes. Plus tôt cette année, le passage des cyclones tropicaux Idai et Kenneth en mars et avril, respectivement, a porté un coup dur aux perspectives économiques du Mozambique, qui étaient alors en amélioration, et a entraîné des inondations et des glissements de terrain au Malawi et au Zimbabwe, deux pays voisins. À l'inverse, plusieurs pays d'Afrique australe sont en proie à l'une des pires sécheresses jamais connues.
Les catastrophes naturelles sont définies comme des phénomènes d'origine naturelle qui provoquent des dommages, des bouleversements ou des pertes de vie. Ces phénomènes peuvent avoir des causes météorologiques (inondations, sécheresses, tempêtes), géophysiques (tremblements de terre, éruptions volcaniques) ou biologiques (épidémies). Depuis 2015, on a recensé un peu plus de 1 700 catastrophes naturelles dans le monde, qui ont affecté près de 890 millions de personnes et entraîné des pertes évaluées à un peu moins de 720 milliards de dollars EU. Les PMA ont été touchés par 20% de ces catastrophes naturelles.
La fréquence et la gravité de ces catastrophes devraient augmenter du fait du changement climatique, de la croissance démographique et de l'urbanisation. Les destructions économiques, les tragédies humaines et les pertes de vies causées par ces phénomènes sont véritablement catastrophiques, en particulier pour les nations les plus pauvres du monde.
Les catastrophes naturelles accentuent les difficultés de développement
Les catastrophes naturelles ont des effets néfastes immédiats sur l'économie et peuvent accentuer les difficultés des PMA en matière de commerce et de développement. Pour ces pays, les effets cumulés des chocs antérieurs contribuent aux difficultés existantes, accentuent les tendances structurelles sous‑jacentes et pourraient même compromettre les perspectives de développement.
Les effets souvent dévastateurs des catastrophes naturelles perturbent les investissements à long terme des pays et détournent les ressources initialement dédiées au développement au profit de la reconstruction. En 2015, le cyclone tropical Pam a été si dévastateur dans le Pacifique que la sortie du Vanuatu de la catégorie des PMA a été reportée à décembre 2020.
Les liens entre le commerce et les catastrophes naturelles et la manière dont le système commercial multilatéral peut aider à faire face à ces catastrophes et favoriser le redressement et la résilience retiennent de plus en plus l'attention.
Par exemple, à la onzième Conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui s'est tenue en décembre 2017, les pays des Caraïbes orientales ont présenté une proposition formelle visant à déployer "toute la flexibilité" du système commercial multilatéral pour soutenir la reconstruction et le redressement à la suite d'une catastrophe. L'OMC est aujourd'hui le fer de lance du dialogue et de la recherche sur les liens entre le commerce et les catastrophes naturelles et évalue les incidences des catastrophes sur le commerce à l'occasion de l'examen des politiques commerciales de certains Membres.
Le système commercial peut améliorer la réponse et la résilience aux catastrophes
Comment le commerce peut‑il aider les PMA touchés par des catastrophes naturelles?
Premièrement, les PMA bénéficient déjà d'une flexibilité considérable dans le cadre des Accords de l'OMC et de diverses mesures d'aide internationale, comme le Cadre intégré renforcé de l'OMC. L'Aide pour le commerce devrait être utilisée pour mettre en place une infrastructure commerciale solide et améliorer les capacités de production, y compris la diversification des exportations, qui contribuent au renforcement de la résilience et au redressement économique après une catastrophe.
Le renforcement de la résilience d'un pays aux catastrophes améliore la capacité de ce pays de faire du commerce. Toutefois, d'ici à 2024, pas moins de 12 pays devraient sortir de la catégorie des PMA, y compris des pays particulièrement vulnérables aux catastrophes naturelles et aux effets du changement climatique, à savoir: le Bangladesh, les Îles Salomon et le Vanuatu. Lorsqu'un pays sort de la catégorie des PMA, il perd l'accès à certaines mesures de soutien, telles que les préférences commerciales, les prêts à des conditions libérales et l'aide à l'adaptation comme celle fournie par le Fonds pour les pays les moins avancés, administré par le Fonds pour l'environnement mondial; le soutien transitoire en faveur de ces pays est donc crucial.
Deuxièmement, les Accords de l'OMC devraient être examinés soigneusement afin de déterminer la manière dont les dispositions existantes pourraient être utilisées et améliorées pour aider à faire face à ces catastrophes et favoriser le redressement et la résilience, ainsi que les flexibilités additionnelles et le traitement spécial et différencié – en ce qui concerne tant l'accès aux marchés que les subventions – qui pourraient être accordés pour aider les pays frappés par des catastrophes.
Par exemple, l'Accord de l'OMC sur la facilitation des échanges (AFE) contient déjà des mesures relatives aux décisions anticipées, à la mainlevée et au dédouanement des marchandises, à la coopération entre les organismes présents aux frontières et à la liberté de transit. La mise en œuvre rapide de ces mesures douanières et de dédouanement est impérative en cas de catastrophe naturelle, en particulier pour permettre l'entrée de marchandises de première nécessité et de fournitures essentielles.
Bon nombre de ces produits importés auront une forte composante réglementaire (produits alimentaires, médicaments); ainsi, les régimes de l'OMC en matière de mesures sanitaires et phytosanitaires et d'obstacles techniques au commerce doivent être pris en compte et mis en balance avec les aspects facilitateurs des mesures contenues dans l'AFE pour garantir une réponse opportune et efficace en cas de catastrophe.
Il pourrait aussi être utile de préciser ce qui constitue un produit de première nécessité et si ce type de produit est exempté de la taxe à l'importation. La révision des droits d'importation visant les matériaux de construction pourrait contribuer dans une large mesure à stimuler la croissance économique et à faire en sorte que les droits de douane visant ces matériaux, comme l'acier et le ciment, ne découragent pas les efforts déployés pour "mieux reconstruire".
Troisièmement, les partenaires de développement pourraient envisager d'utiliser d'autres instruments – préférences commerciales, aide à l'adaptation, financement du risque de catastrophe – pour soutenir les efforts de réponse, de redressement et de résilience.
Par exemple, l'article IX:3 de l'Accord de Marrakech instituant l'OMC autorise l'octroi de dérogations, lesquelles ont été utilisées pour soutenir les efforts de reconstruction dans des pays touchés par des catastrophes. Le Conseil général de l'OMC a déjà approuvé des dérogations concernant l'octroi de préférences commerciales au Népal après le tremblement de terre d'avril 2015 et au Pakistan après les inondations de 2010. Les partenaires de développement peuvent aussi soutenir les mesures nationales visant à renforcer la résilience au changement climatique pour aider les économies à se relever après une catastrophe naturelle.
Une approche holistique du commerce et de la gestion des catastrophes
Enfin, les catastrophes naturelles étant de plus en plus fréquentes, des travaux et un soutien supplémentaires sont nécessaires pour promouvoir un cercle vertueux entre les politiques commerciales, les politiques de protection sociale, le renforcement de la résilience et la gestion des risques de catastrophe, en s'appuyant sur le Cadre d'action de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe, en particulier dans les PMA.
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Brendan Vickers est conseiller et chef de section et Hilary Enos‑Edu est chargée de recherche adjointe à la Section de la politique commerciale internationale, au Secrétariat du Commonwealth (Londres). Les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement celles du Secrétariat du Commonwealth.
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