Les femmes récoltent les fruits de leur participation aux foires commerciales internationales dédiées aux textiles
Mercy Chewetu Mukupa n'avait jamais créé de catalogue auparavant. À la tête d'une petite entreprise de prêt‑à‑porter qu'elle dirigeait depuis chez elle, derrière sa machine à coudre, elle n'avait pas encore ressenti la nécessité de communiquer sur ses vêtements auprès des grossistes.
Cela a complètement changé lorsqu'elle a été choisie pour participer à Source Africa, l'une des plus grandes foires de textiles et de vêtements au monde, organisée dans la ville du Cap en juin 2019. Sa marque – Queen of Chitenge fashion – allait soudainement être mise sous le feu des projecteurs et elle devait créer un book regroupant des photos des pièces de sa collection, des brochures, des échantillons et un catalogue contenant des renseignements sur ses créations et les prix de ses dernières, que les fabricants et acheteurs potentiels étudieraient de près.
"J'étais vraiment très heureuse lorsque j'ai été choisie pour aller au Cap. C'était ma première foire commerciale", a déclaré Mercy, qui a créé sa propre marque en recyclant des articles ménagers et en utilisant des motifs africains aux couleurs vives pour fabriquer des bijoux et des vêtements de prêt‑à‑porter.
Mercy a été l'une des 13 entrepreneures zambiennes du secteur des textiles dont la participation à la foire a été soutenue par SheTrades, une initiative phare établie en 2015 par le Centre du commerce international (ITC) en faveur de l'autonomisation économique des femmes.
"SheTrades connecte les femmes aux marchés afin qu'elles puissent s'intégrer dans les chaînes d'approvisionnement, obtenir des prix plus élevés pour leurs produits, devenir plus indépendantes et accéder à des services financiers tels que l'épargne et le crédit", a dit Chileshe Mwamba, coordonnatrice nationale de SheTrades Zambia.
En janvier 2019, un projet a été lancé en Zambie dans le cadre de l'initiative SheTrades de l'ITC; ce projet vise à soutenir 200 entrepreneures de diverses manières (formation personnalisée, tutorat, accompagnement, invitations à des foires commerciales et présentations aux acheteurs), toujours en lien avec leur secteur d'activité. Cette initiative repose sur un suivi constant qui permet de déterminer les besoins les plus urgents des entreprises dirigées par des femmes en Zambie.
L'intérêt pour cette initiative a explosé; 400 entrepreneures sont actuellement enregistrées dans la base de données, dont la plupart viennent des secteurs à prédominance féminine que sont l'agriculture et les textiles.
Chileshe a rencontré Fridah Bupanda Chirwa au centre commercial Sunday Market de Lusaka. Elle cherchait des entrepreneures susceptibles d'adhérer à l'initiative SheTrades lorsqu'elle a vu le stand de Fridah orné de pantoufles, de pyjamas, de sacs et d'autres accessoires de style contemporain.
"Chileshe s'est adressée à moi car elle cherchait des personnes proposant des produits uniques. Lorsqu'elle m'a parlé de l'initiative SheTrades, j'ai eu très envie d'y adhérer", a dit Fridah.
Elle aussi sélectionnée pour exposer à la foire Source Africa, Fridah espérait vivement pouvoir développer son entreprise.
"Pour l'instant, je dépends des marchés locaux dans les centres commerciaux. C'est une situation précaire: j'achète des matières premières, je vends mes produits et j'utilise l'argent que j'ai gagné pour acheter des produits de première nécessité", a‑t‑elle ajouté.
Mettre en relation les femmes et les acheteurs
SheTrades a investi beaucoup de temps et d'énergie pour aider les femmes à se préparer à la foire afin qu'elles puissent en tirer le meilleur parti possible.
"Nous les avons aidées à préparer leur gamme de produits et leur matériel de communication, ainsi qu'à créer des pages sur les réseaux sociaux pour que les acheteurs puissent les contacter facilement après la foire. Nous avons également organisé un atelier pour les aider à comprendre ce que veulent les acheteurs internationaux", a dit Chileshe.
Dans le cadre de la foire, des réunions d'affaires se sont tenues entre les entrepreneurs et des acheteurs et fabricants potentiels. Un défilé de mode a aussi été organisé pour mettre en lumière les vêtements et accessoires créés par les membres de l'initiative SheTrades.
"Nous avions aussi un stand dédié à SheTrades sur lequel les entrepreneurs pouvaient demander un soutien supplémentaire dans la négociation des prix, des modes de livraison ou d'autres aspects techniques intéressant les acheteurs et les fabricants", a‑t‑elle dit.
Tout ce soutien personnalisé a aidé Mercy à acquérir la confiance nécessaire pour développer son entreprise.
"Le fait de rencontrer différents acheteurs qui m'ont dit exactement ce qu'ils cherchaient m'a vraiment ouvert les yeux sur ce qu'il fallait faire pour satisfaire à une norme internationale", a‑t‑elle dit.
À son retour du Cap, Mercy a vu qu'elle avait reçu une demande de quelqu'un en Belgique.
"J'ai pu leur présenter mon catalogue et leur indiquer les prix demandés. J'ai alors reçu une commande de 50 articles. La formation que j'ai reçue grâce à SheTrades m'a vraiment aidée à faire les choses de manière professionnelle", a‑t‑elle dit.
Elle a ensuite installé sa machine à coudre dans une boutique située au centre de Lusaka où elle emploie maintenant 4 personnes à temps plein et 12 femmes à temps partiel.
"Je forme les femmes de la communauté à la confection de vêtements. Pour elles, ce n'est pas seulement une source de revenus, c'est aussi un moyen d'acquérir des compétences."
"Mon rêve est d'avoir une usine en Zambie qui me permette de créer des emplois pour mes compatriotes. J'aimerais aussi voir ma marque dans des magasins de vêtements ici, au niveau local, mais aussi dans toute l'Afrique."
Se préparer à l'investissement
L'une des plus grandes difficultés rencontrées par Mercy dans le développement de son entreprise réside dans l'accès au financement.
"Si je reçois une grosse commande, je dois soit demander au client de verser un acompte de 50%, ce qu'il refuse souvent de faire, soit demander à des amis de me prêter de l'argent pour pouvoir acheter les matières premières dont j'ai besoin pour commencer la production."
Selon Chileshe, l'accès au financement bancaire est extrêmement difficile pour la plupart des femmes zambiennes.
"Les taux d'intérêt varient entre 40 et 70%", a‑t‑elle précisé.
SheTrades aide les femmes à se préparer à l'investissement en améliorant leur solvabilité, en appliquant des méthodes comptables, en créant des plans d'activité et en établissant des réseaux avec d'autres femmes entrepreneurs susceptibles de se porter garantes.
"Le modèle d'association villageoise d'épargne dans lequel les femmes se regroupent pour mettre leurs économies en commun et se porter garantes entre elles peut être très puissant", a‑t‑il dit.
"Nous contactons aussi des établissements financiers et nous nous attachons à offrir aux femmes des services d'incubation."
L'approche pratique fondée sur le tutorat et l'accompagnement après la participation à une foire se poursuit, dans le but d'aider les entrepreneures à communiquer avec leurs acheteurs, à entrer en contact avec les fabricants et à déterminer les prix internationaux appropriés pour leurs produits alors qu'elles s'apprêtent à découvrir tous les aspects de l'exportation et de la mise en conformité avec les normes internationales.
Et cela fait une vraie différence.
"SheTrades m'a rendue visible sur des marchés dont je ne connaissais même pas l'existence. Cette initiative m'a incitée à améliorer mes produits, à bien les commercialiser et à innover", explique Fridah.
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Le projet pilote SheTrades en Zambie, soutenu par le CIR, sera mené jusqu'en septembre 2020.
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