L'éducation comme clé pour un commerce éclairé et l'avenir de la politique
Dans la ville florissante de Kitwe, située environ à six heures de voiture de Lusaka, la capitale de la Zambie, Edna Kabala‑Litana enseigne à une classe d'étudiants qui seront, un jour, à la tête des efforts déployés par la Zambie en matière de commerce, que ce soit au sein du gouvernement, dans le cadre d'organismes à but non lucratif ou dans le secteur privé. En tant qu'étudiants du nouveau cours sur la politique commerciale de l'Université Copperbelt, ils sont les premiers à apprendre les aspects théoriques et pratiques de la politique commerciale et ses liens avec le développement de la Zambie.
Mme Kabala‑Litana a séparé ses étudiants en groupes de deux pour qu'ils discutent de la question de politique commerciale qu'elle vient juste de poser. La classe est animée; les étudiants sont enthousiastes et ont des opinions arrêtées.
Toutefois, il y a à peine deux ans, Mme Kabala‑Litana n'aurait pas su se servir de cette méthode d'enseignement qui consiste à réfléchir, jumeler et partager. En fait elle aurait plus probablement donné un cours de deux heures, sans pause, ce qui se serait répercuté sur la présence en classe.
D'après Mme Kabala‑Litana, qui est économiste de formation: "La façon dont cela fonctionne ici, en Zambie, c'est que l'enseignement ne s'enseigne pas … vous y allez seulement avec votre style habituel et vous n'avez même pas de rétroaction de la part de vos étudiants quant à la façon dont vous vous en sortez."
En 2016, après avoir donné des cours pendant quelques années, elle a appris que la Direction générale suédoise du commerce extérieur donnait un cours avancé de politique commerciale à l'intention des fonctionnaires intitulé Trade Academy, et qu'elle offrait plusieurs jours de "formation de formateurs" supplémentaires, spécialement conçus pour renforcer les compétences pédagogiques des enseignants zambiens sélectionnés issus d'universités publiques.
Mme Kabala‑Litana a posé sa candidature et a été retenue pour suivre le cours de 2017/18, qui lui a "ouvert les yeux".
"On m'a enseigné à enseigner", a‑t‑elle dit.
"J'ai même constaté que mes étudiants étaient plus présents en classe quand j'ai commencé à leur appliquer les différents styles d'enseignement que j'avais appris; et ils disent qu'ils utilisent eux‑mêmes ce qu'ils ont appris en cours."
Mme Kabala‑Litana a également enseigné à ses collègues comment appliquer les méthodologies dans leurs classes. Le fait que les enseignements aient été adaptés à leur situation les a encouragés.
"Impliquer les conférenciers en Zambie et tenir compte de notre propre matériel de classe [dans un programme de formation international] nous a … donné la capacité d'apprendre et également de former d'autres personnes à la politique commerciale."
D'après Mme Kabala‑Litana, l'expérience se poursuit.
"Des experts venant de Suède viendront bientôt nous voir en tant que conférenciers invités et également pour renforcer notre capacité à donner des conférences sans eux. C'est important pour la durabilité."
La durabilité est un volet majeur du Ministère du commerce et de l'industrie de la Zambie, qui a travaillé avec la Direction générale suédoise du commerce extérieur et le Cadre intégré renforcé (CIR) à l'intégration du commerce aux programmes d'études dispensés dans les établissements universitaires.
"Nous voulions nous assurer qu'une formation donnée sur la politique commerciale ne soit pas un cas unique, où vous avez des consultants chargés de la formation et ils ne sont pas là", a indiqué Mme Lillian Bwalya, Directrice du commerce extérieur au Ministère du commerce et de l'industrie.
ENSEMBLE
À Lusaka, la capitale, le conférencier Wisdom Kaleng'a et ses collègues de l'Université de Zambie ont pris quelques longueurs d'avance, avec un programme d'études sur la politique commerciale qui a fait ses preuves et a été perfectionné au cours des cinq dernières années, ainsi que du personnel qui a la capacité de donner des conférences sur des sujets de politique commerciale plus spécialisés et qui auraient auparavant été données par des conférenciers invités.
"Par exemple, lors de notre visite sur le terrain à Chirundu où nous avons vu la facilitation des échanges à l'œuvre, au lieu que la Direction générale du commerce extérieur se charge entièrement des conférences, ces dernières ont été présentées en parallèle avec des conférenciers de l'Université de Zambie, l'Université Copperbelt et l'Université Mulungushi", a déclaré M. Kaleng'a.
Julian Sievers, de la Direction générale suédoise du commerce extérieur, a également constaté que les conférenciers avaient beaucoup amélioré leur capacité à enseigner des sujets de politique commerciale pertinents.
"Avant, les conférenciers avaient une compréhension plus générale des différentes notions de la politique commerciale. Le niveau d'indépendance concernant l'enseignement des cours a clairement augmenté", a‑t‑il dit.
GROUPE D'EXPERTS
Limiter l'appel aux conférenciers invités n'est pas le seul problème. Selon Mme Bwalya, être en mesure de mobiliser un plus grand nombre de Zambiens qui connaissent la politique commerciale sera très utile pour l'élaboration des politiques.
"Les personnes qui sortaient de l'université et entraient sur le marché du travail avaient des lacunes sur le plan de la compréhension … Nous voulons devenir des experts en politique commerciale qui rejoindront différentes organisations et auront ces connaissances sur la politique commerciale internationale", a‑t‑elle déclaré.
Bien qu'il ne soit donné que depuis quelques années, le cours de l'Université de Zambie est déjà en train de former un groupe d'experts. Lewis Chimfwembe qui a suivi le cours à l'Université de Zambie en 2014 a dit qu'il aurait été "perdu" dans plusieurs aspects de son travail à l'Association zambienne des industries manufacturières sans les connaissances acquises dans le cours.
"Il fut un temps où l'industrie manufacturière déplorait le fait qu'il y avait trop de concurrence de la part des produits importés. J'ai révisé mes notes de cours et me suis rendu compte que nous avions appris quelque chose à propos des mesures correctives commerciales; je suis donc allé sur le site Web de l'OMC pour télécharger le manuel sur le sujet et j'ai proposé des mesures commerciales à mettre en œuvre pour protéger l'industrie, ainsi que pour être en harmonie avec les accords commerciaux régionaux que nous avons conclus dans le cadre de l'OMC", a dit M. Chimfwembe.
Students in one of the new Trade Policy courses in Zambia
Les informations dont il disposait en matière de politique commerciale ont également été déterminantes dans le cas d'une interdiction d'importer des huiles alimentaires.
"Lorsque l'industrie des huiles alimentaires s'est plainte au sujet des importations, le Ministre a annoncé une interdiction de les importer. J'ai été en mesure de l'aviser que cela contrevenait à nos accords commerciaux régionaux et de lui conseiller de plutôt mettre en place un système de permis."
Lorsqu'il a été promu au poste de directeur général par intérim de l'Association zambienne des industries manufacturières, M. Chimfwembe a constaté que ses cours de politique commerciale étaient encore plus utiles.
"Nous avons pensé qu'il était mieux d'embaucher des personnes qui avaient déjà une idée des questions de politique commerciale qui se posaient au sein de notre organisation. Il faudrait probablement cinq ans pour former quelqu'un sur le marché du travail afin qu'il atteigne le niveau de connaissance que le cours peut enseigner en une année", a‑t‑il déclaré.
MASSE CRITIQUE
Le cours est très prisé par les étudiants de l'Université de Zambie (les inscriptions ont plus que triplé en trois ans et plus de 200 étudiants ont maintenant obtenu leur diplôme). D'après M. Kaleng'a, au cours de la prochaine décennie, ces diplômés se retrouveront à différents échelons de l'élaboration des politiques et participeront directement au processus.
"Nous sommes en train de former une masse critique qui pèsera sur les grandes décisions qui seront prises en matière de politique commerciale en Zambie et ailleurs dans le monde au cours de la prochaine décennie."
Pour M. Kaleng'a, le manque de connaissances des personnes qui travaillent actuellement dans le domaine des politiques commerciales, le secteur privé et les ONG doit cependant encore être comblé. À cet effet, l'Université de Zambie a élaboré un programme de courte durée dispensé en soirée, mais elle a encore besoin de ressources pour commencer.
Afin d'augmenter d'avantage le nombre de conférenciers possédant des compétences pertinentes en matière de politique commerciale, la Direction générale du commerce extérieur continuera de former des conférenciers en 2019/20, de les encadrer et de soutenir la conception de cours de politique commerciale.
"De cette façon, nous espérons mettre en place d'importantes capacités institutionnelles à l'Université de Zambie, l'Université Copperbelt et l'Université Mulungushi", a déclaré M. Sievers.
D'après M. Kaleng'a, les conférenciers ont également l'occasion de jouer un rôle très important en matière de politique commerciale.
"Le Ministère du commerce et de l'industrie nous a activement fait participer aux réunions consultatives, aux lancements et aux forums. Nous pensons que nous aurons une grande influence sur les processus d'élaboration des politiques commerciales au cours des 5 ou 10 prochaines années."
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