1 octobre 2020

Le rôle des femmes formatrices en commerce

by Maria Sokolova / in Tribune libre

L'augmentation du nombre de formatrices dans le domaine du commerce au service du développement pourrait faire une grande différence

Lorsque l'on pense à la formation en commerce dans le monde, le rôle des femmes est associé à une réalité peu réjouissante, qui ressemble généralement à cela:

• les formatrices sont largement sous‑représentées;

• les femmes des pays en développement qui souhaitent devenir formatrices rencontrent davantage d'obstacles;

• les femmes sont donc moins habilitées à exercer ces missions, alors que les réseaux et programmes d'autonomisation établis par des femmes qui ciblent les pays en développement pourraient sensiblement changer les choses.

En général, dans les pays en développement, le nombre de femmes disposant d'un pouvoir de prise de décisions est bien trop faible, ce qui se traduit, dans le contexte du commerce, par des obstacles plus importants à la participation des femmes aux chaînes de valeur mondiales – pour donner un exemple concret notable dans le domaine du commerce.

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D'après le Centre du commerce international, les femmes se heurtent à des obstacles liés au genre, comme des interdictions officielles d'exercer certains emplois, des contraintes liées à la maternité et des restrictions à l'emploi, alors qu'elles effectuent deux fois plus de tâches de soins non rémunérées. Si l'on prend en compte les activités de soins, les femmes travaillent beaucoup plus d'heures que les hommes, tout en ayant un accès plus limité au capital et aux ressources productives. Par exemple, dans l'agriculture, les femmes participent généralement à la production de denrées de subsistance qui sont consommées dans le foyer ou, si elles sont engagées dans la production commercialisable, elles n'ont pas forcément droit à une compensation monétaire pour leur travail. Sur le terrain, il existe donc indéniablement un monopole masculin sur les emplois liés au commerce.

Il est clairement établi que ces obstacles liés au genre peuvent s'aggraver si les politiques commerciales mises en place ne contiennent pas un volet explicitement consacré au genre. Le mouvement de soutien à l'autonomisation économique des femmes a largement contribué à mettre cette question au premier plan des programmes mondiaux d'aide au commerce et à orienter l'assistance technique au commerce pour les pays en développement. Cela s'est traduit par des actions fructueuses de discrimination positive, des quotas fondés sur le genre et des campagnes de sensibilisation. Grâce à cela, davantage de femmes obtiennent des débouchés dans le domaine commerce international, mais à un rythme qui reste décevant.

Depuis plusieurs années, l'aide internationale fournie aux pays en développement intègre les questions de genre ou cible explicitement les femmes pour garantir une représentation équilibrée. Les conférences ou les discussions organisées plus récemment ne peuvent se tenir sans femmes (il n'y a plus de groupes de travail exclusivement masculins) et les processus de consultation des parties prenantes doivent faire intervenir des femmes.

Mais à quel point ces efforts d'inclusion sont‑ils durables? Remettent‑ils véritablement en question les rôles attribués à chaque sexe? Des données récentes suggèrent qu'en raison des déterminants sociaux et économiques qui définissent les rôles inégaux attribués aux hommes et aux femmes dans les pays en développement, la situation évolue à un rythme très lent.

Les formateurs en commerce viennent d'horizons différents – diplomatie, négociations, universités et fonction publique – et leurs parcours impliquent tous une formation longue et un engagement professionnel. Ce n'est pas un hasard si ces parcours sont aussi ceux dans lesquels les femmes sont traditionnellement sous‑représentées.

Est‑il possible d'accélérer la mise en œuvre de ces programmes et leurs effets sur l'égalité des genres? Oui, et pour ce faire, l'une des voies à suivre consisterait à mettre en avant les femmes formatrices dans les pays développés et en développement et à leur donner les moyens d'occuper ces fonctions.

Par définition, la formation liée au commerce aborde des questions de pouvoir et d'autorité, et est basée sur des thèmes comme l'économie, la réglementation, la législation et la politique. Le nombre de questions liées au commerce étant presque infini, des formations en commerce peuvent théoriquement être menées sur tous les sujets: l'incorporation de la question de l'environnement dans la politique commerciale, la diversification du portefeuille commercial d'un pays, la compréhension des normes techniques, ou encore la conduite des négociations relatives à un accord commercial.

En général, les formateurs en commerce viennent d'horizons différents – diplomatie, négociations, universités et fonction publique – et leurs parcours impliquent tous une formation longue et un engagement professionnel. Ce n'est pas un hasard si ces parcours sont aussi ceux dans lesquels les femmes sont traditionnellement sous‑représentées. La promotion de l'accès des femmes à des postes de formation en commerce peut avoir une incidence notable, car elle permet de renforcer la position des femmes dans tous les domaines du commerce et d'établir des modèles inspirants pour les autres femmes. Dans les pays en développement en particulier, les formatrices en commerce peuvent avoir une influence sur tout un éventail d'aspects pratiques liés au femmes dans les domaines du commerce et de la politique commerciale. Les formatrices sont mieux à même de démontrer que l'intégration des femmes dans le commerce n'implique pas une perte d'avantages pour les hommes – une croyance dont il a largement été prouvé qu'elle était erronée, mais qui constitue toujours un préjugé culturel. D'après le FMI, la réduction des inégalités entre les hommes et les femmes, par le simple ajout de travailleurs à la population active, pourrait faire augmenter le PIB de 35% en moyenne.

Lors de la Semaine du commerce à Genève (Geneva Trade Week) 2020, les Expertes du commerce, un groupe international de femmes spécialistes du commerce, ont attiré l'attention sur certaines composantes de la formation en commerce comme l'efficacité de la communication, le rôle de l'enseignement et les façons de toucher un public.

En plus de transmettre le contenu pratique, les formateurs en commerce peuvent favoriser l'instauration d'un climat favorable à la pensée critique qui encourage les participants à interroger et à adapter leurs comportements, qu'il s'agisse des décisions commerciales ou de l'élaboration des politiques. Assez souvent, les formations en commerce établissent un lien direct entre les dialogues sur les politiques et les dialogues entre entreprises (y compris les PME). De nombreux accords commerciaux conclus avec les pays en développement offrent des avantages aux PME, mais si les entreprises ne savent pas comment en tirer parti, ces accords commerciaux ne répondent pas à l'objectif visé. De plus, les difficultés de compréhension des mesures réglementaires spécifiques que les entreprises doivent respecter peuvent créer des obstacles au commerce, qui devraient donc être éliminés.

En incarnant elle‑même le changement, une formatrice d'un pays en développement peut faire évoluer les mentalités – concernant les possibilités dont dispose une femme dans le monde du commerce, et la perception d'une femme exerçant des activités commerciales parmi les hommes.

En incarnant elle‑même le changement, une formatrice d'un pays en développement peut faire évoluer les mentalités – concernant les possibilités dont dispose une femme dans le monde du commerce, et la perception d'une femme exerçant des activités commerciales parmi les hommes. En identifiant les formatrices en commerce, en les aidant à améliorer leurs compétences et en les intégrant dans des réseaux plus vastes de professionnelles du commerce, il est possible de contribuer à la progression de l'égalité hommes‑femmes dans les pays en développement, dans le contexte commercial.

Lancé il y a un peu plus de deux ans seulement, le réseau des Expertes du commerce est devenu un réseau mondial de professionnelles du commerce dont les objectifs sont clairs: mieux faire entendre la voix des femmes dans le commerce, développer leur présence et installer leurs idées et opinions dans les débats mondiaux sur la politique commerciale. À l'occasion de la Semaine du commerce à Genève, les Expertes du commerce ont mis en commun leur expertise pour aborder le thème de la formation en commerce sous une perspective unique, en mettant l'accent sur le rôle essentiel de la composante enseignement et en fournissant des conseils pour accroître l'efficacité de la communication commerciale auprès du public. Les contenus et thèmes traités par le groupe de travail n'étaient pas directement axés sur les inégalités entre les genres, mais la présence des Expertes du commerce est en soi un message qui place les formatrices en commerce sur le devant de la scène et contribue au mouvement mondial d'autonomisation économique des femmes.

 

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