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L'investissement international, et en particulier l'investissement étranger direct (IED), a un rôle important à jouer en contribuant à la réalisation des Objectifs de développement durable. Il peut constituer un puissant mécanisme international de mobilisation des actifs corporels et incorporels (capital, technologie, compétences et accès aux marchés) qui sont essentiels à une croissance et à un développement durables.
Cependant, pour concrétiser ce potentiel, l'IED doit croître substantiellement, il doit être mis le plus possible au service du développement durable et il doit s'inscrire sur le plan international dans un cadre juridique et des politiques en matière d'investissement qui soient favorables, tout en étant respectueuses des objectifs nationaux légitimes des gouvernements des pays d'accueil.
Après avoir culminé à environ 2 000 milliards de dollars EU en 2007, les flux d'investissement étranger direct sont tombés à 1 200 milliards de dollars EU en 2009 à la suite de la crise financière internationale. En 2018, avec une valeur de 1 300 milliards de dollars EU, ils sont encore loin d'avoir retrouvé leur niveau d'avant la crise. Si ces flux représentent une part relativement faible – environ 10% – de la formation intérieure brute de capital, cette part peut même dépasser celle de l'investissement intérieur dans certains pays.
En 2018, les flux d'IED vers les PMA se sont chiffrés à 23,8 milliards de dollars EU, ce qui correspond à peu près à la moyenne de la décennie qui a suivi la crise financière et représente 1,8% du total mondial. Les cinq principaux bénéficiaires – le Bangladesh, le Myanmar, l'Éthiopie, le Cambodge et le Mozambique – ont représenté plus des deux tiers de ces flux, et les PMA asiatiques ont atteint un niveau record. La Chine est restée le premier investisseur dans les PMA en termes de stock d'IED.
Pour contribuer à couvrir les besoins d'investissement dans l'avenir, les flux d'IED devront s'accroître sensiblement. Il n'y a pas de raison apparente à ce qu'ils ne remontent pas sur le long terme, pour atteindre dans les 4 000 à 5 000 milliards de dollars EU par an.
Comment y parvenir?
Améliorer les déterminants de l'IED
L'essentiel est d'améliorer les trois ensembles de déterminants de l'IED – en d'autres termes, les facteurs qui influencent les choix géostratégiques des investisseurs internationaux.
Parmi ces déterminants, les plus importants sont les déterminants économiques, qui incluent notamment la taille du marché du pays d'accueil et son taux de croissance; la qualité de l'infrastructure du pays d'accueil, y compris son infrastructure technologique; la qualité des ressources humaines et des réseaux de fournisseurs du pays d'accueil; le prix du travail (au moins pour les investissements axés sur les exportations); et la disponibilité des ressources naturelles. Étant donné qu'il est fondamental d'améliorer les déterminants économiques (et que les investisseurs internationaux hésitent à risquer des ressources substantielles dans les domaines concernés), l'aide publique au développement continuera de jouer un rôle important pour les PMA. En fait, l'amélioration des déterminants économiques est le seul facteur primordial à prendre en compte pour mobiliser des flux d'IED plus importants.
Le deuxième ensemble de déterminants a trait au cadre réglementaire des pays d'accueil, qui doit être favorable. À l'évidence, plus un cadre réglementaire est favorable, plus l'attrait est grand pour les investisseurs, pour autant que les déterminants économiques soient bons. Dans le même temps, cependant, toute tentative visant à faciliter l'investissement doit être mise en balance avec les intérêts en matière de développement des pays d'accueil – par exemple, les réglementations visant à protéger l'environnement peuvent ralentir le processus d'entrée sans pour autant rendre le pays moins attrayant. Par ailleurs, pour de nombreux projets d'investissement plus courants, il peut être utile d'établir des chartes de clients indiquant les délais dans lesquels les approbations requises devraient être délivrées.
Enfin, il existe un ensemble de déterminants liés à la promotion de l'IED, c'est‑à‑dire à la pratique visant à inciter les investisseurs étrangers à investir dans un pays donné. Tel est le mandat central des agences de promotion de l'investissement: elles sont chargées d'attirer les investisseurs étrangers, de les aider à entrer dans les pays d'accueil et à mener leurs activités, et de fournir divers services après investissement pour retenir les investissements, tout en donnant des conseils politiques aux gouvernements de ces pays et en tenant compte des intérêts de leurs économies en matière de développement.
Il est important de noter que si l'amélioration des déterminants économiques prend du temps le cadre réglementaire et la promotion de l'investissement peuvent être améliorés relativement rapidement. Et c'est là un élément central de la facilitation de l'investissement. En outre, la facilitation de l'investissement devient d'autant plus importante que le cadre réglementaire et les efforts de promotion de l'investissement sont de plus en plus semblables d'un pays à l'autre.
L'amélioration des déterminants économiques de l'IED est un enjeu à long terme qui exige une attention constante, centrée sur les donateurs traditionnels et les organisations régionales et multilatérales actives dans ce domaine, mais aussi sur l'intégration croissante de nouveaux donateurs des pays en développement. L'initiative "Ceinture et route" est l'un des efforts pertinents déployés dans ce domaine.
Les cadres réglementaires et les efforts nationaux de facilitation de l'investissement peuvent également être améliorés à court terme, en particulier dans les PMA.
Alors que faire?
Répondre à trois impératifs
Le premier impératif consiste à accroître l'investissement étranger direct grâce à une action internationale concertée visant à aider les PMA à améliorer leur cadre de réglementation de l'IED et leurs capacités à promouvoir l'investissement. À l'heure actuelle, un tel effort international – à l'image de l'Initiative Aide pour le commerce, et surtout de l'Accord sur la facilitation des échanges dans le domaine de l'IED – n'existe pas. En fait, dans un monde de chaînes de valeur mondiales, ces accords de facilitation des échanges n'ont qu'une incidence limitée, précisément parce qu'ils ne portent que sur un côté de la médaille, à savoir l'accroissement des échanges, et non sur l'autre, à savoir les IED.
Dans cette situation – et étant donné que le marché mondial de l'IED est très concurrentiel – un effort supplémentaire et déterminé de facilitation de l'investissement peut faire la différence pour réussir à attirer les investisseurs étrangers. C'est là que les "discussions structurées" au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) concernant un cadre multilatéral pour la facilitation de l'investissement pour le développement deviennent pertinentes, à condition qu'un tel cadre apporte une valeur ajoutée aux mesures déjà prises au niveau national. Et il y a plusieurs façons d'envisager une telle valeur ajoutée, en particulier pour les PMA.
On pourrait par exemple étendre l'Initiative Aide pour le commerce à l'IED pour qu'elle prenne la forme d'une initiative Aide pour l'investissement et le commerce, peut‑être même dans le cadre d'un accord sur la facilitation de l'investissement durable en vue d'aider les PMA à améliorer rapidement leurs cadres réglementaires et leur capacité à promouvoir l'investissement – ce qui concourrait à accroître les flux d'investissement à destination de ces pays. Les PMA feraient bien de participer activement aux discussions structurées de l'OMC afin de les orienter dans la direction qui leur convient le mieux.
Il n'est toutefois pas suffisant d'encourager l'augmentation des flux d'IED.
Le second impératif consiste à promouvoir un IED qui soit mis le plus possible au service du développement durable et à en faire un IED durable au service du développement durable. Cela présente la difficulté de devoir définir ce que l'on entend par "investissement direct étranger durable". Une première définition approximative pourrait être la suivante: un investissement commercialement viable qui contribue le plus possible au développement économique, social et environnemental du pays d'accueil et qui s'effectue dans le cadre de mécanismes de gouvernance équitable tels qu'établis par les pays d'accueil et comme en témoignent, par exemple, les incitations qu'ils offrent.
Mais une définition doit pouvoir être transposée dans les faits. Il faudrait donc aussi élaborer une liste indicative de caractéristiques de durabilité que les pouvoirs publics soucieux d'attirer les IED durables (et d'encourager les investissements intérieurs durables) pourraient prendre en considération. Un accord sur la facilitation de l'investissement durable pourrait prévoir des mesures spéciales de facilitation pour les investisseurs qui sont prêts à entreprendre des IED durables.
Cette liste serait en outre un instrument utile pour les instances internationales d'arbitrage lorsqu'elles cherchent (comme elles devraient le faire) à évaluer l'incidence des investissements sur le développement et pour déterminer quels mécanismes – autres que ceux déployés pour attirer l'investissement direct étranger en général – encouragent les flux d'investissement durable et démultiplient les retombées positives de ces derniers pour les pays d'accueil. Et cela nous amène au troisième impératif.
Le troisième impératif consiste à réformer, sur le plan international, le cadre juridique et les politiques en matière d'investissement. L'élaboration de règles nationales applicables à l'IED s'inscrit de plus en plus dans un cadre juridique et des politiques qui régissent l'investissement sur le plan international. C'est pourquoi il importe de veiller à ce que le régime international applicable à l'investissement constitue un cadre favorable encourageant les flux d'IED durable tout en permettant aux pouvoirs publics de poursuivre leurs objectifs nationaux légitimes.
Cela appelle à se poser un certain nombre de questions, notamment: comment faire pour que l'objectif de développement durable devienne le principe directeur du cadre juridique et des politiques à l'échelle internationale? Quelles sont les implications d'un tel concept pour les droits et obligations relevant d'un tel régime? Quelle en sera l'incidence sur le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États? Ce mécanisme est une fonction centrale de ce régime et il lui confère sa solidité; or c'est précisément lui qui est fortement remis en question, en particulier par les organisations non gouvernementales, mais aussi par un certain nombre de gouvernements. Toute réforme doit apporter des réponses adéquates pour ne pas compromettre la légitimité même de ce régime.
Les PMA, en particulier, ont intérêt à ce que soient réformés le cadre juridique et les politiques d'investissement car ils doivent en tirer le meilleur parti tout en bénéficiant d'une assistance en matière d'arbitrage international qui peut être coûteuse en termes de processus d'arbitrage et de sentences rendues contre eux. Il serait donc très souhaitable de créer un centre consultatif sur le droit international de l'investissement pour aider les pays aux ressources limitées – et tous les PMA entrent dans cette catégorie – à défendre leurs intérêts comme il convient dans les différends internationaux en matière d'investissement.
Conclusion
Les pouvoirs publics des PMA doivent trouver les moyens d'accroître les flux d'IED dans le cadre d'un régime international réformé applicable au cadre juridique et aux politiques en matière d'investissement pour donner corps au potentiel de concrétisation du développement durable que recèle cet investissement.
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Cet article est une version révisée de l'article de Karl P. Sauvant intitulé "Comment concrétiser le potentiel que recèle l'investissement direct étranger en matière de développement" publié dans le rapport Coopération pour le développement 2016 de l'OCDE.
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* Karl P. Sauvant est chercheur principal résident au Columbia Center on Sustainable Investment de l'Université Columbia.
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Cette série a été financée par le gouvernement australien par l'intermédiaire du Département des affaires étrangères et du commerce. Les opinions exprimées dans cette publication sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles du gouvernement australien.
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