6 juin 2019

Soutenir l'emploi des jeunes et des femmes au Malawi au moyen de stratégies sectorielles de développement des compétences

by Cornelius Gregg Bolormaa Tumurchudur Klok Milagros Lazo Castro / in Récit d'expérience
  • Les stratégies de développement des compétences peuvent fournir un mécanisme de transition pour permettre aux groupes défavorisés tels que les jeunes et les femmes de tirer profit du commerce international.

  • Les interventions dans le secteur horticole au Malawi ont renforcé la chaîne de valeur nationale des légumes de haute qualité et amélioré les moyens de subsistance des agriculteurs.

  • La diversification et la mise en œuvre de politiques de développement axées sur l'exportation dans les pays les moins avancés (PMA) permettent de s'appuyer sur des stratégies qui favorisent les compétences dans les secteurs d'exportation.

Le chômage, le sous‑emploi et l'emploi dans des conditions économiquement marginales constituent un défi majeur pour le développement au Malawi, comme dans de nombreux PMA. La plus récente enquête sur la population active (Malawi Labour Force Survey 2013) révèle que 21,7% des jeunes de 15 à 24 ans du pays ne sont ni employés, ni scolarisés, ni en formation, et qu'environ 27% de ceux qui ont un emploi sont sous‑employés. Les femmes sont particulièrement désavantagées du fait que leurs revenus sont inférieurs à ceux des hommes et que les deux tiers de celles qui sont en âge de travailler occupent des emplois précaires.

Le programme Compétences pour le commerce et la diversification économique (STED) de l'Organisation internationale du travail (OIT) aide les partenaires nationaux à développer les compétences nécessaires à l'heure actuelle et à l'avenir dans les secteurs d'exportation en vue d'augmenter les exportations, de renforcer la concurrence des importations et d'accroître la diversification. L'objectif est de tirer parti des compétences pour créer des possibilités d'emploi productif et décent – conformément aux cibles 4.3, 8.5 et 8.6 des Objectifs de développement durable – qui profiteront particulièrement aux jeunes. Les perspectives pour les femmes sont une question transversale prise en compte dans la sélection des secteurs et le soutien fourni.

Nous étudions ici les stratégies de développement des compétences mises en œuvre dans le secteur agricole au Malawi et examinons certaines des leçons qui peuvent être tirées concernant les initiatives d'aide pour le commerce en général.

Potentiel des exportations de produits agricoles au Malawi

Le Malawi est un PMA sans littoral qui a connu une croissance modérée ces dernières années et dont le taux de pauvreté national reste supérieur à 50%. Son économie est très tributaire de l'agriculture, qui représente 64,1% de l'emploi total et 58,4% de l'emploi des jeunes, avec une forte proportion de femmes. Le secteur est dominé par les petits exploitants, il a une faible productivité et – sauf pour les producteurs des principaux produits de base comme le tabac et le thé – il dessert principalement les marchés locaux. Environ 13% de la population en âge de travailler, qui n'a pour la plupart pas bénéficié d'une éducation secondaire, travaillent dans l'agriculture de subsistance.

Le gouvernement malawien s'est engagé à améliorer l'employabilité de la main‑d'œuvre du pays. La dernière stratégie nationale d'exportation (2013‑2018) fait du développement des compétences un élément fondamental pour que les entreprises puissent réaliser le potentiel de croissance et d'exportation du pays. L'exploitation de ce potentiel pour devenir un exportateur de produits agricoles au niveau régional est considérée comme un moyen d'accroître l'emploi et de stimuler la croissance économique.

En 2015, en réponse à la demande du gouvernement malawien d'appuyer la réalisation de la stratégie nationale d'exportation, l'OIT a commencé à appliquer la méthodologie STED aux secteurs des oléagineux et de l'horticulture en collaboration avec des partenaires nationaux. Une analyse STED du secteur horticole du Malawi a montré que ce secteur était largement sous‑développé et que presque toutes les entreprises desservaient le marché intérieur. La productivité était faible, la qualité des produits était mauvaise et la faiblesse de la logistique de la chaîne d'approvisionnement empêchait les petits exploitants agricoles d'accéder à des marchés plus lucratifs par la vente au détail, la transformation et les exportations.

L'analyse a en outre indiqué que la majorité des entreprises estimaient qu'il existait une demande d'exportation de produits horticoles malawiens. Toutefois, les compétences étaient un facteur clé limitant la capacité du secteur à réaliser ses ambitions en matière d'exportation et même à approvisionner les clients du marché intérieur dans le commerce de détail et l'hôtellerie, qui exigeaient une certaine fiabilité dans les livraisons de légumes de haute qualité. En réponse, un certain nombre d'interventions ciblant les jeunes femmes et les jeunes hommes ont été mises en œuvre dans le cadre d'une stratégie sectorielle de développement des compétences.

Amélioration des compétences des jeunes

L'une de ces interventions est le projet pilote Work‑Integrated Learning (WiL), un programme d'apprentissage intégré au travail destiné aux jeunes dans le secteur horticole qui a été élaboré et mis en œuvre en 2016 en partenariat avec le gouvernement malawien et une association patronale.

Le WiL est un cours de perfectionnement des compétences axé sur la chaîne de valeur qui vise à former des jeunes pour leur donner des compétences pratiques qui répondent aux besoins du secteur. Il se fonde sur l'hypothèse selon laquelle la formation qui se déroule en partie sur le lieu de travail produira des résultats en termes d'apprentissage qui seront davantage conformes aux exigences en matière de compétences du marché du travail.

 

Le modèle d'apprentissage intégré au travail (WiL) et sa mise en œuvre au Malawi

La première version du WiL a été lancée selon deux axes. Premièrement, par l'intégration informelle dans un programme sectoriel officiel en place. Deuxièmement, par la mise en place de programmes d'études nationaux formels dans le domaine de la production horticole dispensés dans le cadre du système du Département de la formation technique et professionnelle (TVET) du gouvernement.

Ce résultat est significatif parce que le Malawi ne disposait auparavant pas d'un système de certification national pour la formation dans le domaine de l'horticulture. Le modèle a donc pu être appliqué dans le cadre du système formel du TVET, qui n'était auparavant pas axé sur les compétences dans le secteur de l'agriculture. L'initiative WiL a amélioré l'employabilité des jeunes bénéficiaires et leur a permis de trouver un emploi productif.

Autonomisation des agricultrices

Dans le cadre de la mise en œuvre du programme STED, une autre intervention au titre du projet SKILL-UP Malawi a été mise en place sous la forme d'un programme intégré visant à améliorer les connaissances et les compétences des agricultrices. Ce programme a été initialement mis en œuvre à Bvumbwe Chinkwende, un village traditionnellement connu pour sa production horticole.

Les agricultrices – qui jouent un rôle important dans le secteur horticole au Malawi – ont reçu une formation et ont été mises en contact avec une antenne locale, Roseberry Farms, qui les a aidées à gérer leurs marchés et la distribution au détail. Le programme, mis en œuvre en collaboration avec le centre de recherche agricole de Bvumbwe, a permis de développer les compétences dans des domaines tels que l'agronomie, la lutte contre les ravageurs et les maladies et le commerce, tant pour les cultures en plein champ que pour les cultures sous serre. Cela s'est traduit par une amélioration de la qualité et de la quantité de la production, et le lien établi avec l'antenne agricole locale a contribué à stabiliser le marché et à dégager de meilleures marges bénéficiaires. Il est important de noter que le programme comprend une formation sur l'égalité des sexes à l'intention des chefs de village et des conjoints.

D'autres partenariats sont en train d'être établis avec des institutions locales de recherche agricole afin d'étendre le programme à d'autres régions du Malawi.

Impact des interventions

Ensemble, ces deux interventions ont renforcé la chaîne de valeur nationale des légumes de haute qualité, ce qui a permis aux supermarchés et aux hôtels de satisfaire une part beaucoup plus importante de leurs besoins par l'approvisionnement au niveau local. Cela a ouvert des possibilités aux agriculteurs et créé des emplois tout au long de la chaîne de valeur, ce qui a grandement amélioré les conditions de vie d'une grande partie des participants.

Pour accroitre leur portée et leur durabilité, les interventions sont intégrées dans les travaux du système d'éducation et de formation et de l'infrastructure de recherche agricole. Ces initiatives ont permis aux producteurs malawiens de s'intégrer dans les chaînes de valeur régionales de vente au détail, ce qui pourrait leur ouvrir des possibilités d'exportation de produits horticoles à l'avenir.

L'un des principaux enseignements tirés de l'expérience du Malawi est que la mise en œuvre efficace de politiques de développement axées sur l'exportation a tout à gagner de la mise en œuvre de stratégies sectorielles favorisant les compétences sectorielles et d'une cohérence entre les politiques commerciales et les compétences. Une collaboration est nécessaire entre les ministères en charge du commerce et du développement des compétences, ainsi qu'avec les ministères d'exécution qui supervisent chaque secteur de production. La participation active du secteur est également nécessaire, idéalement par le biais des entreprises et des représentants des employeurs et des travailleurs.

Les synergies potentielles avec l'aide pour le commerce pourraient être examinées plus avant étant donné que le programme STED fournit un mécanisme permettant d'identifier les pénuries de compétences qui limitent la participation effective d'un PMA au commerce international et d'y répondre.

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* Cornelius Gregg est Spécialiste technique principal au Service des compétences et de l'employabilité du Bureau international du travail (BIT); Bolormaa Tumurchudur Klok est spécialiste technique au BIT; et Milagros Lazo Castro est responsable technique au BIT. Les auteurs tiennent à remercier leurs collègues du projet SKILL‑UP du BIT pour leur contribution à cet article: Patrick Makondesa (BIT Malawi), Gift Mabvumbe (BIT Malawi), Sergio Iriarte Quezada (siège du BIT) et Adame Traore (siège du BIT).

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Cette série a été financée par le gouvernement australien par l'intermédiaire du Département des affaires étrangères et du commerce. Les opinions exprimées dans cette publication sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles du gouvernement australien.

 

Credits
Header image - ©Ollivier Girard/EIF
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