29 juillet 2020

Accélérer et faciliter la digitalisation des entreprises détenues par des femmes en Asie du Sud

by Michelle Kovacevic / in Récit d'expérience

Le programme de formation au commerce électronique et le portail de commerce électronique récemment lancés aideront des centaines de femmes entrepreneurs dans les PMA d'Asie du Sud à s'intégrer dans les chaînes d'approvisionnement régionales et mondiales.

Il est 1 heure du matin et Thinley Yangzom a 60 boîtes de sachets de thé à emballer. Son mélange spécial de superaliments composé de gingembre et de Cordyceps, un champignon rare, est très apprécié des touristes qui séjournent dans la ferme de sa mère, située en bord de rivière à Paro (Bhoutan), mais il n'est pas facile pour elle de trouver le temps de s'occuper de sa nouvelle entreprise tout en élevant son fils de huit mois.

"Mon entreprise ne doit pas m'empêcher d'assumer mes responsabilités en tant que mère, fille et épouse. C'est pourquoi j'ai souvent dû y travailler une fois que tout le monde était couché", a déclaré Thinley.

À mesure que son entreprise – Bhutan Super Food and Herbs – s'est développée, elle a entrevu la possibilité de vendre ses produits à des clients en dehors du Bhoutan. Mais pour cela, elle aurait besoin d'une boutique en ligne et d'une aide pour la mettre en place.

"Même si je suis diplômée en informatique, il est plus difficile de créer une entreprise en ligne qu'un simple site Web", a‑t‑elle déclaré.

"La fondatrice d'une association de femmes entrepreneurs m'a invitée à participer, avec d'autres femmes entrepreneurs, à un atelier de formation aux principes de base du commerce électronique. J'avais hâte d'en apprendre davantage sur cette approche moderne des affaires."

C'est ainsi que par une froide journée d'hiver, en février, Thinley est arrivée au City Hotel, dans la capitale du Bhoutan, prête pour une immersion de deux jours dans le nouveau monde du commerce électronique. Organisés par le Bureau pour l'Asie du Sud et du Sud‑Ouest de la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l'Asie et le Pacifique (CESAP), situé à New Delhi, et soutenus par le Cadre intégré renforcé (CIR), les ateliers de lancement nationaux constituent la première étape de l'élaboration d'un programme de formation au commerce électronique destiné aux femmes entrepreneurs de toute l'Asie du Sud.

Participants à l'atelier organisé au Bhoutan

 

"À ce jour, nous avons organisé des ateliers au Népal, au Bangladesh et au Bhoutan dans le but de réunir des décideurs, des femmes entrepreneurs, des experts et des représentants de l'industrie et de la société civile pour nous permettre de mieux comprendre et reconnaître les difficultés rencontrées par chaque pays dans la mise en œuvre du commerce électronique", a déclaré Rajan Sudesh Ratna, économiste à la CESAP à New Delhi.

"Ces éclairages nous ont aidés à élaborer des programmes de formation au commerce électronique adaptés aux besoins et un portail de commerce électronique qui aideront au moins 100 femmes entrepreneurs au Bhoutan, au Népal, au Bangladesh et en Afghanistan à vendre leurs produits et services en ligne et à s'intégrer dans les chaînes d'approvisionnement régionales et mondiales."

Connaître les bases

En Asie du Sud, la plupart des femmes travaillent dans le secteur informel, où elles n'ont ni sécurité d'emploi ni revenu permanent. En ce qui concerne l'entrepreneuriat, la société soutient rarement les femmes qui travaillent en dehors de leur foyer.

"Le commerce électronique offre des modalités de travail flexibles. C'est un outil puissant pour l'autonomisation économique et sociale des femmes entrepreneurs d'Asie du Sud", a déclaré Deepali Gotadke, consultante dans le cadre du programme de la CESAP, qui a été la première à établir une entreprise de commerce électronique dans sa région du nord du Karnataka, en Inde.

Au cours des ateliers de lancement nationaux, Deepali a organisé une séance sur le marketing numérique et le commerce électronique et a constaté que bon nombre de femmes entrepreneurs n'avaient pas les compétences techniques nécessaires pour développer leur entreprise.

"En conséquence, dans le cadre de notre programme, nous avons décidé d'offrir aux femmes entrepreneurs un cours d'introduction et un manuel qui couvriront les principes de base du commerce électronique, des réseaux sociaux et du marketing numérique", a‑t‑elle indiqué.

Bien qu'elle n'ait donné qu'un aperçu du cours à venir, la séance de Deepali sur le marketing a déjà incité Thinley à réfléchir de façon plus stratégique à l'utilisation des réseaux sociaux pour commercialiser ses produits.

"Nous envisageons de faire tester nos produits à des célébrités, ce qui nous aidera à élargir notre clientèle", a‑t‑elle dit.

Des réglementations restrictives

Les participants à l'atelier ont également identifié les politiques qui empêchaient le commerce électronique de prospérer.

"Entre l'impossibilité d'effectuer des transactions en ligne en devises internationales et la difficulté des fournisseurs à proposer des remboursements en raison des lois sur les banques centrales, il est clair que certaines modifications de la réglementation sont aussi nécessaires", a déclaré Rajan.

"Nous encourageons ces modifications en engageant des dialogues avec les décideurs parallèlement au programme de renforcement des capacités", a‑t‑il dit.

Pour résoudre ces problèmes de réglementation, la CESAP s'emploie notamment à élaborer un portail de commerce électronique sur lequel seront hébergées les boutiques en ligne des femmes entrepreneurs qui participent au programme.

"Ce portail aidera les femmes à numériser et à cataloguer leurs produits et leurs services, offrira une passerelle de paiement unique et donnera à leurs entreprises une visibilité internationale. Cela est encore plus important pour les femmes entrepreneurs en cette période de crise liée à la COVID‑19", a déclaré Rajan.

Le monde extérieur attend

Deepali voit un fort potentiel international, percevant que "le monde extérieur attend les articles faits à la main proposés par ces femmes".

"Dès lors que nous ouvrirons le portail aux marchés internationaux, leurs revenus d'activité devraient doubler en deux ou trois ans", a‑t‑elle affirmé.

Après un an, les résultats obtenus par les femmes bénéficiaires seront évalués dans le cadre du programme et un cours de formation de niveau avancé sera proposé.

"Jusqu'à présent, le programme a eu beaucoup de succès puisque déjà 150 femmes entrepreneurs se sont inscrites pour y participer", a déclaré Rajan.

En raison des mesures de confinement et des restrictions liées à la COVID‑19, le cours en ligne et les formations virtuelles à l'intention des femmes entrepreneurs débuteront en juillet 2020.

Si la COVID‑19 a considérablement ralenti l'activité dans le secteur du tourisme au Bhoutan et, par conséquent, celle générée par ses principaux clients, Thinley considère que le commerce électronique est essentiel à la reprise de son activité.

"Le fait de pouvoir vendre en ligne me permettra non seulement d'attirer une clientèle internationale, mais aussi de rendre mes produits plus abordables pour la population locale", a‑t‑elle affirmé.

"Le soutien fourni dans le cadre de ce programme me permettra de développer mon entreprise plus rapidement et plus facilement que si je le faisais seule."

Credits
Header image of a beekeeping site supported by EIF in the Amhara region, Ethiopia - ©Fernando Castro/EIF
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