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Les effets très graves de la pandémie de COVID‑19 montrent que les chaînes de valeur mondiales peuvent être facilement perturbées, avec des répercussions en cascade pour les entreprises, les travailleurs et les communautés essentielles pour l'approvisionnement et les marchés. Les chaînes de valeur sont déjà opaques et complexes par nature; quand des chocs se produisent – comme la pandémie actuelle ou un événement climatique extrême – les entreprises comprennent mal et ne repèrent pas leurs vulnérabilités dans les chaînes de valeur, ce qui les empêche de prendre les décisions nécessaires.
À cela s'ajoute un autre facteur important: les inégalités socioéconomiques systémiques exacerbent les dangers que représentent la COVID‑19 et la crise climatique pour les populations vulnérables. En effet, ce sont les communautés les plus démunies qui sont frappées de plein fouet. Les entreprises peuvent contribuer à faire en sorte que le système soit mieux préparé pour prévenir les chocs et y faire face en protégeant les plus durement touchés.
Il est devenu tout à fait évident dans le contexte de la pandémie de COVID‑19 que les chaînes de valeur doivent devenir plus résilientes. Cependant, il ne s'agit pas seulement de la résilience des entreprises, mais de celle des communautés et des personnes qui doivent occuper une place centrale dans les stratégies de gestion des crises.
Des chaînes de valeur plus résilientes
Reconnaissant que les chaînes d'approvisionnement mondiales sont souvent complexes, opaques et dégroupées, l'initiative Value Chain Risk to Resilience (R2R) du réseau Business for Social Responsibility (BSR) travaille avec les entreprises membres (Coca‑Cola, Mars, Target, Santam, PepsiCo, McDonald's, Anheuser‑Busch et Primark) pour collectivement mieux comprendre et mieux gérer les risques climatiques. Cette collaboration porte aussi sur le développement de stratégies adéquates dans les chaînes de valeur, susceptibles de renforcer la résilience des communautés, des agriculteurs et des travailleurs face aux changements climatiques.
La résilience des entreprises et des communautés est plus importante que jamais, la crise liée à la COVID‑19 ayant montré que les sociétés n'étaient pas du tout préparées à subir un tel choc. La pandémie et la crise climatique mettent en évidence les inégalités sous‑jacentes qui existent aujourd'hui dans des pays développés comme les États‑Unis. Dans les pays en développement, la COVID‑19 a eu des conséquences importantes pour les travailleurs dans des secteurs économiques majeurs tels que la production d'aliments et de boissons ainsi que de vêtements.
Les plus démunis sont toujours ceux qui souffrent le plus, qu'il s'agisse de faire face à une pandémie ou à un événement climatique extrême. Les chocs subis peuvent perturber l'activité des entreprises, de leur fonctionnement dans les chaînes de valeur jusqu'aux communautés essentielles dont elles dépendent. Il est donc évident que les multinationales ont un rôle à jouer pour renforcer la résilience des communautés vulnérables tout en rendant leurs chaînes de valeur plus robustes.
Une nouvelle gestion des risques pour les chaînes de valeur
Les travaux du réseau BSR dans le cadre de l'initiative R2R montrent bien que les milieux d'affaires mondiaux sont entrés dans une nouvelle ère pour la gestion des risques associés aux chaînes de valeur. Dans ce contexte, l'expérience acquise peut aider à renforcer la résilience à la fois pour les entreprises et pour leurs employés. Les mesures énumérées ci‑après doivent être prioritaires pour les multinationales.
Évaluer les risques pour les chaînes d'approvisionnement. Pour bien évaluer les risques climatiques, une entreprise peut analyser les risques au niveau des différents produits de base et intrants, de la situation géographique ou de maillons spécifiques de la chaîne de valeur, selon le secteur. Étant donné que les effets et risques varient d'un pays à l'autre, y compris pour les pays en développement, il est crucial d'inclure dans ce type d'analyse les impacts physiques des changements climatiques autant que les facteurs socioéconomiques. Il peut s'agir par exemple de mettre en lumière les obstacles auxquels se heurtent les femmes qui travaillent dans des usines ou des exploitations agricoles afin de mettre en place des stratégies adaptées pour y remédier.
Gérer les risques pour les chaînes d'approvisionnement au niveau de la haute direction et sur le terrain. Il faut intégrer les risques climatiques dans les systèmes de gestion des risques des entreprises, et déployer des programmes favorisant la résilience ainsi que des évaluations des risques de manière à atteindre les travailleurs. Il est donc indispensable d'obtenir le soutien des dirigeants au plus haut niveau et dans les bureaux régionaux et locaux pour consolider le processus et assurer la continuité jusqu'aux parties prenantes sur le terrain.
Comprendre les scénarios possibles pour l'avenir. L'évaluation des risques permet d'identifier à un moment donné les points faibles et les foyers de risques, mais elle ne fait pas ressortir suffisamment les facteurs d'incertitude à long terme. Pour comprendre l'incidence d'un choc potentiel sur une entreprise et sur ses parties prenantes, les responsables doivent analyser tout un éventail de scénarios possibles, liés aux changements climatiques mais aussi à des dimensions sociales, économiques et politiques.
Renforcer la résilience des fournisseurs. Quand une vulnérabilité aux chocs est identifiée par l'évaluation des risques pour la chaîne d'approvisionnement, il y a plusieurs façons d'aider les fournisseurs à devenir plus résilients. Afin d'éviter des retombées négatives sur les réseaux d'approvisionnement – y compris travailleurs et communautés – les entreprises peuvent adopter une démarche inverse, c'est‑à‑dire accroître la résilience sur le terrain d'abord plutôt que d'intervenir en descendant dans la chaîne d'approvisionnement.
Comprendre la manière dont les personnes sont affectées dans les entreprises et les communautés essentielles. Étant donné que certains groupes subissent les chocs de façon disproportionnée en raison d'inégalités et de vulnérabilités sous‑jacentes, il est indispensable de comprendre les faiblesses dans les chaînes de valeur pour concevoir des stratégies appropriées favorisant la résilience. Le contexte régional, national et local est critique à cet égard: avant d'élaborer des initiatives, il faut recueillir auprès des partenaires locaux des connaissances sur les particularités socioéconomiques et politiques, par exemple en consultant les parties prenantes et en analysant les résultats d'évaluations des risques climatiques.
Apprendre à mesurer la résilience des entreprises et d'autres communautés importantes. Mesurer la résilience n'est pas aussi simple que d'évaluer quantitativement les réductions des émissions par exemple, mais c'est tout aussi important. C'est pourquoi l'initiative R2R recense actuellement des paramètres communs – pour la planète, les infrastructures et les personnes – afin de mesurer les résultats et les effets sur les entreprises et la société des programmes et activités favorisant la résilience face aux changements climatiques.
Établir des partenariats avec les gouvernements et les acteurs non étatiques. Les partenariats sont clés pour mieux résister aux chocs. Beaucoup d'activités essentielles qui renforcent la résilience ne peuvent être menées que lorsque les entreprises, les pouvoirs publics et la société civile travaillent ensemble. Par exemple, une entreprise peut installer des barrages contre les inondations autour de ses propres infrastructures, mais un partenariat avec les autorités locales permet de faire en sorte que les travailleurs puissent se déplacer et que les communautés locales soient protégées.
La reconnaissance du rôle des multinationales
Malgré des avertissements répétés quant à la possibilité d'une pandémie, ni les pouvoirs publics ni les entreprises ni les populations n'étaient prêts pour affronter la crise sanitaire actuelle. Ils ne sont pas prêts non plus pour surmonter la crise climatique. D'après un rapport du GIEC, les effets des changements climatiques devraient s'aggraver et devenir plus imprévisibles, même si les gouvernements et les acteurs non étatiques parviennent à atteindre l'objectif ambitieux de l'Accord de Paris consistant à limiter le réchauffement à 1,5 °C. Les effets cumulés de différents chocs réduisent notre capacité à apporter une réponse adéquate à la crise climatique, et réciproquement.
Il est évident que les entreprises et les communautés subiront à l'avenir de nouveaux chocs, même si on ne sait pas exactement quand. La question est de savoir s'ils seront mieux préparés. Les multinationales doivent donc reconnaître le rôle qui leur incombe afin d'accroître la résilience, non seulement pour leurs activités et leurs actionnaires, mais aussi pour toutes les communautés et les personnes sur qui repose le succès des chaînes de valeur.
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Samantha Harris – Global Lead, Climate and People, BSR (Business for Social Responsibility)
Léa Farnier – Manager, BSR
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