La communauté climatique entame sa deuxième semaine de discussions à Charm el-Cheikh (Égypte) à l'occasion des discussions sur le climat organisées par les Nations Unies, pour tenter de relever le niveau d'ambition de la lutte contre le changement climatique et ses facteurs, et encourager l'augmentation des efforts et des financements permettant aux pays de s'adapter aux conséquences du changement climatique et de réduire leur vulnérabilité. Ces discussions ne doivent pas se limiter aux experts du changement climatique: elles peuvent et devraient faire intervenir des acteurs d'autres domaines d'action, y compris le commerce.
Lorsqu'ils élaborent des réponses à la crise climatique, les spécialistes de la politique commerciale mettent traditionnellement l'accent sur l'atténuation du changement climatique. Cela signifie généralement qu'ils s'intéressent à la façon dont les mesures de politique commerciale, qu'il s'agisse d'approches unilatérales ou d'accords commerciaux, contribuent à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à promouvoir une transition vers des processus et méthodes de production plus durables. La libéralisation du commerce des biens et services environnementaux, la mise en place de mécanismes d'ajustement du carbone aux frontières pour répondre au risque de fuites de carbone, et la réduction des subventions aux combustibles fossiles sont des thèmes récurrents de ces débats politiques et font l'objet d'importants travaux depuis des décennies.
Ces discussions sont essentielles, mais la contribution de la politique commerciale peut et devrait être beaucoup plus importante. Le commerce peut aussi aider les gouvernements à s'adapter aux impacts actuels du changement climatique, tout en renforçant leurs capacités d'adaptation et leur résilience face aux impacts futurs.
Les implications du changement climatique pour le commerce
Les événements de ces dernières années n'ont cessé de démontrer que les phénomènes météorologiques extrêmes et les perturbations qu'ils engendrent seront plus fréquents et plus graves à l'avenir. Rien qu'au cours des douze derniers mois, le Pakistan a subi des inondations dévastatrices qui ont fait plus d'un millier de victimes et privé des millions d'individus de domicile ou d'accès à l'eau potable, tandis que l'Europe a été de nouveau confrontée à des sécheresses et des vagues de chaleur. Dans les petits États insulaires en développement (PEID), des Tuvalu aux Îles Marshall, les risques associés à l'élévation du niveau de la mer, aux cyclones tropicaux et aux variations des conditions météorologiques font partie intégrante de la réalité quotidienne. Et bon nombre de ces problèmes sont désormais irréversibles, comme le confirme la science: plus tôt dans l'année, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a annoncé qu'une grande partie des dommages que le changement climatique inflige à nos écosystèmes, y compris à l'indispensable biodiversité, sont permanents.
Parallèlement aux dommages causés à l'écosystème et à la santé humaine, le changement climatique agit également sur la façon dont les pays commercent et sur les produits échangés. Par exemple, l'évolution des températures et des conditions météorologiques influence le rendement des cultures et, partant, le commerce des produits agricoles. Le changement climatique peut engendrer des perturbations graves et coûteuses pour l'infrastructure liée au commerce, puisque l'élévation du niveau de la mer menace les ports maritimes et la hausse des températures affecte et endommage les voies ferrées. Le tourisme est un autre secteur d'importance cruciale pour le commerce dans lequel les variations des conditions météorologiques influent sur les destinations de voyage et l'infrastructure sous-jacente.
Le rôle essentiel des plans nationaux d'adaptation dans la formulation des mesures de politique commerciale
Ces évolutions n'incitent guère à l'optimisme, mais on dispose également de données et d'analyses détaillées sur les mesures d'adaptation qui fonctionnent et les situations dans lesquelles elles sont efficaces, lesquelles mesures peuvent et devraient orienter les responsables de la politique commerciale dans la définition des étapes à suivre. Ces renseignements figurent dans les plans nationaux d'adaptation (PNA) que des dizaines de gouvernements de pays en développement ont élaborés et mis en œuvre ces dernières années, et dont ils ont tiré de précieux enseignements. Ces PNA sont des instruments complets, qui présentent les priorités d'un gouvernement en matière d'adaptation, ainsi que les stratégies et mesures nationales à adopter pour les concrétiser. Le processus d'établissement de ces plans est extrêmement utile. Il implique pour chaque pays d'analyser en détail les risques et vulnérabilités liés au climat ainsi que les mesures qui pourraient contribuer à réduire et gérer ces difficultés, tout en renforçant les capacités d'adaptation. Il s'appuie également sur l'expertise d'un large éventail de parties prenantes. L'élaboration d'un PNA suppose d'aborder l'adaptation au changement climatique de manière coordonnée et systémique, plutôt qu'au moyen de mesures isolées. Une fois qu'un PNA est publié, les gouvernements peuvent travailler à l'obtention des financements et autres ressources nécessaires à sa mise en œuvre, à l'évaluation des résultats et à l'identification des aspects des stratégies et mesures connexes qui doivent être modifiés.
À ce jour, 38 PNA ont été transmis par les gouvernements à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) via le portail NAP Central. En outre, plus d'une demi‑douzaine de pays ont soumis des PNA sectoriels et d'autres contributions. D'après les données les plus récentes de la base de données "NAP Trends" du Réseau mondial de PNA, sur l'ensemble des PNA présentés au 30 juin 2022, quatre désignent le commerce et/ou le financement comme des secteurs prioritaires.
Même en dehors de ces plans qui désignent explicitement le commerce et/ou le financement comme des secteurs prioritaires, les PNA portent effectivement sur des domaines dans lesquels le changement climatique peut avoir une incidence, comme les services touristiques ou l'infrastructure, et qui ont à leur tour des implications sur le commerce. La communauté commerciale a donc beaucoup à apprendre de ces PNA, tout comme des équipes qui ont travaillé activement à leur élaboration, leur mise en œuvre et l'évaluation de leur efficacité.
Organiser la politique commerciale autour de trois voies
Un rapport de 2021 de l'Institut international du développement durable (IIDD) énonce trois grandes voies par lesquelles le commerce pourrait soutenir les efforts d'adaptation au changement climatique. La première englobe les mesures unilatérales que les gouvernements peuvent prendre à l'échelle nationale, comme la baisse des droits de douane sur les biens et services liés à l'adaptation, le subventionnement de ces biens et services et la réduction simultanée des subventions qui entravent les efforts d'adaptation, et l'actualisation des politiques et règles en matière de marchés publics pour promouvoir des marchés "verts" ou durables. Bon nombre de ces mesures peuvent servir le double objectif d'aider les pays à s'adapter au changement climatique et de favoriser l'atténuation de ce changement.
La seconde voie présentée dans le rapport de l'IIDD a trait au rôle des mécanismes de financement liés au commerce, tels que l'Initiative Aide pour le commerce pilotée par l'OMC qui facilite l'accès des gouvernements aux financements indispensables à l'adaptation, ou les outils de diagnostic du Cadre intégré renforcé, que les pays utilisent pour définir leurs priorités commerciales et l'aide nécessaire à leur réalisation. La troisième voie met en avant la nécessité de disposer de plates‑formes et d'enceintes permettant aux gouvernements de se réunir pour déterminer les domaines dans lesquels ils peuvent coopérer et collaborer lorsqu'ils élaborent des mesures de politique commerciale en vue de l'adaptation au changement climatique.
Pour que des résultats concluants soient obtenus dans ces trois voies, il convient de s'appuyer sur les PNA et les équipes chargées de leur élaboration, de leur mise en œuvre et de leur suivi. Leur expertise est essentielle si l'on veut s'assurer que les mesures de politique commerciale qui émergent dans ces voies sont adaptées aux situations locales, et tiennent compte de l'évolution possible de leur impact dans le temps. Cet exercice est vaste, mais nécessaire au vu de la menace existentielle qui pèse déjà sur les communautés du monde entier, dans lesquelles ceux qui ont la plus petite responsabilité dans la crise climatique sont souvent les premiers à en subir les conséquences.
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Cet article fait partie d'une série consacrée au climat et au commerce.
Photo by Chester Ho on Unsplash
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