3 mai 2022

Le monde de la finance s'éveille à la réalité du changement climatique mais l'argent ne va toujours pas là où il devrait

Les ambitions ne manquaient pas lors de la conférence sur le climat de l'année dernière, mais les résultats peuvent être qualifiés de mitigés en ce qui concerne le financement du climat. Si certaines promesses accrocheuses ont fait la une des journaux, pour la majorité des habitants de la planète qui subissent en permanence les effets du changement climatique, ces promesses peuvent sembler bien lointaines, outre le fait qu'elles sont tout à fait insuffisantes par rapport aux 60 à 90 000 milliards de dollars EU d'investissements nécessaires au cours des 15 prochaines années.

L'évolution du discours doit maintenant s'accompagner de changements concrets. Nous tentons de rattraper le retard en ce qui concerne le financement de la lutte contre le changement climatique, les pays riches s'étant engagés en 2009 à réunir 100 milliards de dollars EU par an pour aider les pays les moins avancés à atteindre les objectifs de l'Accord de Paris. Alors que nous nous rapprochons de la COP27, l'argent n'est toujours pas là et des discussions sérieuses sont nécessaires pour savoir si les mécanismes financiers actuels peuvent produire les changements nécessaires ou si des réformes plus fondamentales sont requis pour remédier à l'inégalité du système économique mondial et assurer l'équité en matière de climat. Les flux financiers actuels ne parviennent pas à alimenter les efforts d'adaptation sur le terrain. Alors que les catastrophes sont de plus en plus fréquentes, nous continuons à voir des communautés privées des fonds et des ressources dont elles ont désespérément besoin - et malgré cela, le mécanisme de compensation des pertes et dommages qui aurait permis de remédier à cette situation n'a toujours pas été approuvé à la COP26. Les communautés en première ligne sont nos principaux mandants, et si nous ne parvenons pas à leur fournir directement l'argent nécessaire pour renforcer leur résilience et leur capacité d'adaptation, notre approche du financement climatique pourra être qualifiée d'échec.

Le commerce est un élément essentiel des efforts d'adaptation sur le terrain qui doit également être pris en compte, en particulier le commerce local entre les petites et moyennes entreprises qui sont touchées de plein fouet par les urgences climatiques. Nous constatons que des communautés déjà vulnérables aux chocs sont affectées non seulement par la destruction ou l'épuisement de leurs ressources, mais aussi par le manque de systèmes de soutien lorsque cela se produit. À cela s'ajoute une autre dimension: nous entrons maintenant dans une phase où les catastrophes qui se produisent dans une partie du monde ont un effet domino et se répercutent sur les chaînes d'approvisionnement mondiales. C'est ce qui s'est passé à grande échelle en Thaïlande il y a plus de dix ans, lorsque des inondations ont frappé des parcs industriels, détruisant des entreprises et des moyens de subsistance. Les inondations ont causé des dommages économiques d'environ 45 milliards de dollars EU et les répercussions sur les chaînes d'approvisionnement se sont ressenties au niveau mondial. Cependant, il semble que nous n'ayons toujours pas appris la leçon et, à chaque nouvelle crise, les impacts ont une ampleur planétaire.

L'amélioration de l'accès local aux ressources revêt deux aspects essentiels. Premièrement, pour permettre des efforts d'adaptation véritablement menés au niveau local, il faut faire confiance aux communautés pour utiliser les subventions et investir les fonds là où ils sont le plus nécessaire. Les décisions prises par les institutions internationales et le secteur privé doivent reposer sur une nouvelle logique axée sur cette approche.

Le travail effectué par SouthSouthNorth en Afrique du Sud pour accroître la résilience et réduire la vulnérabilité dans le district de Namakwa, dans la province du Cap-Nord, et dans le district de Mopani, dans la province du Limpopo, en est un bon exemple. Cet investissement, financé par Fonds pour l'adaptation, a montré comment l'investissement dans des initiatives locales peut réellement améliorer les moyens de subsistance des populations et a révélé l'importance du renforcement des capacités administratives pour la mise en œuvre réussie des futurs projets communautaires d'adaptation au changement climatique.

Deuxièmement, pour améliorer l'accès au financement de la lutte contre le changement climatique au niveau local, il faut résoudre les problèmes liés aux obligations fiduciaires et en matière de rapports traditionnelles. Il faudra pour cela repenser la notion de réussite: l'impact ne peut être mesuré en suivant simplement une définition stricte du retour sur investissement.

Du point de vue du secteur de l'assurance, le défi consiste à combler le déficit de protection financière, à développer les marchés de l'assurance limités dans les pays en développement et à encourager les institutions de financement du développement à exploiter correctement les capacités et les compétences en matière de gestion des risques d'assurance. Nous sommes actuellement piégés dans un cycle de gestion des catastrophes, plutôt que dans une approche volontariste de la gestion des risques et du renforcement de la résilience à long terme. Au cours des 20 dernières années, le secteur de l'assurance a versé en moyenne 55 milliards de dollars EU par an à titre d'indemnisation de pertes liées à des catastrophes. Cependant, la plupart de ces paiements ont été effectués dans les marchés développés, car de nombreux pays en développement ne disposent toujours pas de marchés de l'assurance matures capables de garantir l'absorption des chocs et les ressources nécessaires pour assurer un rétablissement rapide en cas de dommages causés par des inondations, des tsunamis ou des cyclones. En fin de compte, ce qui se passe dans la plupart des pays en développement, c'est un détournement du financement du développement vers la réponse aux catastrophes.

La mise au point de méthodes efficaces de gestion des risques, qui reste sous-estimée dans les discussions actuelles, est essentielle. Il faudra pour instaurer une véritable résilience à long terme se concentrer davantage sur le coût réel qui découle d'une intervention tardive et, par conséquent, renoncer aux versements effectués en réponse aux catastrophes pour se tourner vers le développement plus stratégique de systèmes d'alerte précoce, d'assurance et de filets de sécurité sociale. Cela nécessitera de sortir des sentiers battus et de mettre l'accent sur des partenariats public-privé efficaces.

En marge de la COP26, nous avons commencé à assister à cette évolution avec le groupe Vulnerable 20 (V20), composé de 55 ministres des finances de pays vulnérables sur le plan climatique, qui a souligné l'importance du déficit de protection financière et annoncé un partenariat avec l'Insurance Development Forum (IDF) sur l'analyse des risques et de la résilience. On espère qu'en utilisant des méthodologies, des outils et expériences basés sur l'assurance, les pays seront en mesure de mieux s'approprier l'analyse des risques au niveau local, ce qui est essentiel pour intégrer le financement des risques liés au climat et aux catastrophes et peut avoir de profondes implications en termes de mobilisation de capitaux privés. L'espoir est que cette démarche soit poursuivie et exploitée lors de la COP27.

Il est essentiel que toute approche stratégique visant à réduire les risques et à créer de la résilience soit centrée sur l'inclusion, l'équité et le renforcement de l'autonomie. De manière générale, il existe un fossé fondamental entre, d'une part, les discussions sur le financement de la lutte contre le changement climatique menées dans le cadre du processus de la COP et des négociations commerciales et, d'autre part, les connaissances et les expériences de ceux qui doivent s'adapter au changement climatique et qui, dans de nombreux cas, sont déjà à l'origine des solutions mises en œuvre sur le terrain.

Il est urgent d'adopter une approche plus concertée du débat sur le financement de la lutte contre le changement climatique, dans laquelle les voix du Sud sont présentes dans les instances de négociation. Qu'il s'agisse des négociations de la CCNUCC, des discussions de haut niveau ou des négociations commerciales, le succès dépend de leur capacité à avoir un impact positif sur la vie des gens sur le terrain et à faire face aux impacts du changement climatique. Les communautés sont à juste titre frustrées par la lenteur des progrès et il est nécessaire de revenir à l'essentiel en adoptant une approche plus équitable afin de s'assurer que le travail effectué est adapté aux défis auxquels les populations sont confrontées aujourd'hui. Toutes les voix doivent se faire entendre de manière égale, et plus particulièrement celles des femmes et des minorités qui sont touchées de manière disproportionnée par le changement climatique, mais qui sont chroniquement sous-représentées dans les discussions sur la manière de l'aborder et, par conséquent, dans la mise en œuvre des solutions.

Alors que le Royaume-Uni termine sa présidence de la COP et que nous nous tournons vers la COP27 à Sharm El-Sheikh, nous avons l'occasion de faire plus et mieux pour faire progresser le financement du climat au-delà des mots et des gros titres. Le Royaume-Uni doit user de son influence pour mobiliser les principaux acteurs du secteur financier mondial afin qu'ils investissent dans la résilience et collaborent avec le prochain responsable. La nomination de l'éminent économiste Mahmoud Mohieldin en tant que Champion de haut niveau de l'ONU pour l'action climatique est un signal fort indiquant que la COP27 se concentrera sur la collaboration avec le secteur privé et les institutions financières. Les possibilités de réussite sont là, mais elles ne seront concrétisées que si elles sont mises en œuvre d'une manière qui permette d'adopter systématiquement des approches locales, innovantes et inclusives, plaçant ceux qui sont en première ligne au cœur des solutions en tant que partenaires égaux.

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