25 novembre 2019

Le commerce international des espèces de la faune et de la flore sauvages comme moyen de développement durable dans les pays pauvres – hypothèses de base

by Sofie H. Flensborg / in Nouvelles
  • Une bonne gestion du commerce des espèces animales et végétales sauvages peut contribuer à leur conservation.

  • Elle peut également avoir des retombées positives pour les communautés locales et rurales où les moyens de subsistance sont limités.

  • Il est essentiel que le développement des chaînes de valeur potentielles associe les autorités chargées de la gestion de la faune et de la flore sauvages, les spécialistes du commerce ainsi que les communautés concernées.

Certains des pays les plus pauvres du monde sont aussi parmi les plus riches en diversité biologique. De nombreux pays les moins avancés (PMA) d'Asie et d'Afrique, dont Madagascar, la RDP lao et la République démocratique du Congo, sont les gardiens de la biodiversité mondiale et d'espèces de faune et de flore sauvages qui sont ou pourraient devenir menacées d'extinction si le commerce les concernant n'est pas réglementé et contrôlé.

Alors que les PMA cherchent des moyens d'accroître leur part du commerce mondial, de diversifier leurs exportations, de créer des moyens de subsistance durables et de garantir des sources de revenus aux communautés rurales, tout en préservant les espèces et les écosystèmes, ils devraient garder à l'esprit la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES).

Règles internationales régissant le commerce des espèces sauvages

La CITES est un traité juridiquement contraignant entre 182 États et l'UE qui réglemente le commerce des espèces de faune et de flore sauvages depuis 1975. L'objectif de la CITES est de s'assurer que ce commerce est:

* durable – non préjudiciable à la survie de l'espèce à l'état sauvage;

* légal – les spécimens ont été obtenus conformément aux lois et règlements nationaux; et

* traçable – un produit peut être retracé jusqu'à son origine dans la nature, quelle que soit l'ampleur de sa transformation ultérieure.

Presque tous les PMA sont parties à la CITES et peuvent commercer conformément aux dispositions et conditions énoncées dans la Convention et dans les résolutions adoptées par la Conférence des Parties.

Le commerce au titre de la CITES peut être autorisé pour les spécimens des espèces inscrites aux annexes II et III, qui couvrent environ 97% des 36 000 espèces dont le commerce est réglementé par la CITES dans certaines conditions. (L'annexe I énumère les espèces les plus menacées – c'est‑à‑dire menacées d'extinction – parmi les animaux et les plantes répertoriés dans la CITES et pour lesquelles le commerce à des fins commerciales est interdit.)

Le spécimen, défini comme l'ensemble de la plante ou de l'animal (vivant ou mort) ou de ses parties ou produits dérivés, y compris les produits finis, d'une espèce inscrite à l'Annexe II peut être exporté si l'organe de gestion national compétent a délivré un permis d'exportation. L'organe de gestion doit avoir la preuve que le spécimen en question a été obtenu légalement et l'autorité scientifique nationale CITES doit confirmer que le commerce ne portera pas préjudice à la survie de l'espèce dans la nature.

La relation entre la CITES et les accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a été harmonieuse et fondée sur le soutien mutuel, la transparence et la confiance.

Toutes les parties ont désigné leurs autorités de gestion et leurs autorités scientifiques compétentes. Les non‑parties souhaitant commercialiser des spécimens d'espèces CITES doivent désigner des autorités compétentes pour délivrer des documents comparables.

Le commerce des spécimens d'espèces CITES est soumis aux dispositions de la Convention et nécessite un document CITES, que les spécimens aient été prélevés dans la nature ou produits en captivité ou dans des conditions contrôlées.

Relation entre la CITES et les accords de l'OMC

Comme on l'explique dans la publication intitulée "La CITES et l'OMC – Renforcer la coopération en faveur du développement durable", la relation entre la CITES et les accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a été harmonieuse et fondée sur le soutien mutuel, la transparence et la confiance.

Jusqu'à présent, il n'y a pas eu de différend à l'OMC contestant directement une mesure commerciale relevant de la CITES. Bien au contraire, dans le différend "États-Unis – Crevettes", l'Organe d'appel a constaté que les mesures adoptées par les États‑Unis pour empêcher que les tortues marines ne soient blessées ou tuées au cours des opérations de pêche à la crevette étaient justifiées au titre de l'article XX du GATT sur les exceptions aux règles.

L'Organe d'appel a également constaté que de telles mesures pouvaient être appliquées aux tortues marines vivant au‑delà des frontières territoriales des États‑Unis et que l'expression "ressource naturelle épuisable" au sens de l'Article XX g) inclurait également les espèces vivantes qui sont susceptibles d'épuisement ou d'extinction.

Le commerce des espèces sauvages pour le développement durable des communautés locales

La CITES se situe nettement à l'intersection du développement, de l'environnement et du commerce et, si elle est bien gérée, elle a le potentiel de contribuer aux trois.

Par exemple, si les communautés locales tirent un avantage économique du commerce des produits de la faune et de la flore sauvages (espèces) réglementés, elles seront incitées à mieux prendre soin des ressources biologiques, ce qui contribuera à son tour à leur conservation. Cette théorie du changement semble simple et directe, mais elle repose sur des hypothèses de base combinant des approches de l'aide au commerce et de la conservation.

L'exploration de ces hypothèses sous‑jacentes peut être utile pour comprendre comment une chaîne de valeur de spécimens d'espèces CITES peut contribuer à la conservation de l'espèce.

Dans l'exemple ci‑dessus des communautés locales dans les pays pauvres, les éléments suivants au moins sont inclus.

* Il existe un marché pour les produits issus de l'espèce et des conditions favorables à l'exploitation de ce marché sont en place (accès au financement, accès au marché, infrastructure, etc.).

* L'accroissement des échanges commerciaux se traduira par des avantages pour les communautés locales et les parties prenantes. Pour ce faire, les parties prenantes doivent être organisées de manière à recevoir et à répartir les bénéfices entre elles.

* Les bénéfices réalisés doivent conduire à des changements positifs dans les attitudes et les comportements des acteurs locaux. Les parties prenantes doivent être pleinement conscientes du lien entre l'avantage réalisé et le changement de comportement attendu, faute de quoi rien ne garantit que ce lien se concrétisera.

* Le changement de comportement doit conduire à une réduction de la menace qui pèse sur l'espèce, ce qui devrait permettre à la population de l'espèce de se rétablir et de rester en bonne santé.

Enjeux liés à l'utilisation durable des espèces inscrites

Les travaux de la CITES sur les moyens d'existence se sont principalement attachés à démontrer comment les communautés locales et rurales et les populations autochtones peuvent utiliser de manière durable les espèces CITES pour leur subsistance.

Le Manuel sur la CITES et les moyens d'existence, Deuxième partie contient un certain nombre d'études de cas portant sur des espèces, secteurs économiques et pays différents. Les exemples vont de la chasse aux trophées et de la capture des hippocampes à l'exportation des peaux de crocodiles élevés en captivité au Cambodge à l'exportation d'extraits de bois d'agar de la RDP lao.

Depuis la publication du Manuel, d'autres études de cas ont été préparées, dont une sur le commerce de l'écorce de l'arbre Prunus africana – également connu sous le nom de bois puant ou cerisier à grappes – qui est utilisé dans l'industrie médicale.

La CITES se situe nettement à l'intersection du développement, de l'environnement et du commerce et, si elle est bien gérée, elle a le potentiel de contribuer aux trois.

Cet arbre est inscrit à l'Annexe II de la CITES et est originaire du Cameroun, du Kenya, de Madagascar, de la République démocratique du Congo, d'Ouganda et de Tanzanie, qui ont tous des activités d'exportation. En Ouganda, plus de 5 000 agriculteurs participent à la récolte de l'écorce des arbres appartenant aux communautés locales. Les communautés récoltent et vendent l'écorce à une société ougandaise enregistrée qui paie les agriculteurs et transforme, transporte et exporte l'écorce. L'entreprise fournit également des semis pour le reboisement par les communautés locales.

L'utilisation de Prunus africana a généré des bénéfices financiers et sociaux. Au total, 1,5 tonne d'écorce de Prunus a été exportée de manière durable et légale entre 2006 et 2017, passant de 10 800 kg en 2006 à plus de 250 000 kg en 2016. Cela s'est traduit par un revenu de près de 800 000 USD directement pour les cultivateurs de Prunus africana. Le bénéfice économique tiré de l'espèce contribue à en assurer la conservation et une utilisation commerciale à long terme.

Voici quelques‑uns des principaux défis mis en évidence dans ces études de cas:

* renforcement des partenariats entre le gouvernement, les autorités nationales et locales;

* engagement et mobilisation des investisseurs du secteur privé et des donateurs;

* absence de gestion durable et risques de surexploitation;

* faiblesse de la gouvernance et risques de corruption au sujet des permis et autres licences;

* organisation limitée des communautés locales en associations de producteurs;

* mauvaise répartition des avantages entre les intervenants locaux; et

* poursuite du commerce illicite des espèces CITES.

Le Manuel contient une série de mesures que les gouvernements doivent prendre pour surmonter les défis et utiliser avec succès et de manière durable les espèces CITES pour la conservation. Le Secrétariat de la CITES a également produit deux courts métrages illustrant comment le fait de travailler avec les communautés sur le développement d'une chaîne de valeur bien gérée impliquant des espèces CITES peut contribuer à la conservation de ces espèces.

Incidences pour l'Aide pour le commerce

Dans le contexte de l'Aide au commerce, il convient de reconnaître que le commerce de spécimens d'espèces CITES peut être d'une importance cruciale pour les personnes qui gagnent leur vie grâce aux espèces sauvages et peut contribuer à la conservation de ces espèces. Les avantages économiques d'un tel commerce peuvent ne pas monétiser pleinement l'impact sur la conservation et risquent donc de sous évaluer les incidences positives d'un commerce durable, légal et traçable.

 

 

 

 

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Sofie H. Flensborg est juriste au Secrétariat de la CITES.

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