21 mai 2019

Mesures préliminaires en vue de la mise en œuvre de l'Accord sur la facilitation des échanges dans les pays les moins avancés

by Fabrice Lehmann / in Nouvelles
  • L'Accord de l'OMC sur la facilitation des échanges prévoit des dispositions novatrices sur le traitement spécial et différencié qui ne sont pas encore pleinement utilisées par les pays les moins avancés.
  • La capacité de mener des consultations efficaces en faisant participer le secteur privé et la société civile est primordiale pour le processus de réforme des procédures à la frontière.
  • Les pays les moins avancés tireraient profit de travaux d'analyse plus poussés sur le type d'assistance nécessaire pour se conformer aux dispositions de l'Accord sur la facilitation des échanges.

L'Accord sur la facilitation des échanges (AFE) a fait naître de grandes espérances pour les pays les moins avancés (PMA) s'agissant des retombées en matière de développement. L'Accord, ratifié en février 2017, est le premier traité multilatéral adopté par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis sa création et a été conçu pour réduire les coûts de transaction et stimuler les échanges, aux fins de la croissance et de la lutte contre la pauvreté.

La facilitation des échanges est apparue comme une priorité importante, tant pour les pays en développement que pour les partenaires de développement. Depuis 2005, les engagements annuels des donateurs ont quintuplé et 3,9 milliards de dollars EU ont été décaissés à titre d'aide pour la facilitation des échanges.

L'engagement des PMA est il tel que prévu par l'AFE?

Mise en œuvre adaptée et situation actuelle

L'AFE vise principalement à modifier la façon dont fonctionnent les organismes présents aux frontières afin de diminuer les coûts du commerce. Des estimations récentes donnent à penser que la mise en œuvre intégrale de l'AFE pourrait faire baisse les coûts totaux de 16,5% pour les pays à faible revenu. Les mesures qui pourraient avoir l'impact le plus significatif portent notamment sur l'harmonisation et la simplification des documents commerciaux (4,2%) et l'automatisation des processus commerciaux et douaniers (3,6%).

Ces changements de coûts relatifs, même s'ils sont moins importants, peuvent être significatifs compte tenu de la vive concurrence qui caractérise aujourd'hui le commerce international, dont une grande partie prend la forme de chaînes de valeur mondiales auxquelles les PMA participent généralement peu.

L'AFE contient des dispositions novatrices sur le traitement spécial et différencié qui permettent aux pays en développement et aux PMA de planifier une mise en œuvre adaptée selon un calendrier de notification convenu. Ces Membres peuvent classer eux mêmes les 36 dispositions de fond dans 3 catégories – A, B et C – qui prévoient différents niveaux de flexibilité. L'AFE établit en outre l'obligation juridique de fournir une assistance technique et une aide au renforcement des capacités aux PMA en fonction de leurs besoins pour la mise en œuvre des engagements de la catégorie C. Pour en bénéficier, les PMA doivent respecter les obligations de notification définies dans l'Accord.

En mai 2019, le niveau d'engagement pouvait être qualifié de moyen. Le taux de mise en œuvre des engagements pour les PMA était de 24,7%. Sur les 36 PMA Membres de l'OMC, 12 devaient encore ratifier l'AFE, 22 avaient présenté des notifications concernant les 3 catégories, 11 avaient notifié leurs dates indicatives pour la mise en œuvre des dispositions désignées comme relevant de la catégorie B et 7 l'avaient fait pour la catégorie C. Toutefois, seuls trois PMA avaient indiqué le type de soutien nécessaire pour la mise en œuvre des dispositions désignées comme relevant de la catégorie C avant l'échéance de février 2019, bien qu'une assistance soit disponible pour les aider dans ce processus. Le faible taux de respect de ces obligations pourrait indiquer que les PMA rencontrent des difficultés pour identifier leurs besoins en matière d'assistance.

 

Progrès des engagements pour la mise en œuvre de l'AFE

L'importance des consultations

Bien que de nombreux progrès aient été faits en matière de renforcement des capacités au cours des dix dernières années, la capacité des gouvernements des PMA d'élaborer et de présenter des propositions techniques relatives à la mise en œuvre des mesures de facilitation des échanges demeure généralement limitée.

Une limitation fréquente réside dans le manque de données fiables qui caractérise souvent les économies des PMA. Ce déficit d'information peut compliquer l'élaboration de réponses globales en raison d'éléments de preuve incomplets concernant les types de réforme ou de soutien qui pourraient être nécessaires.

En outre, le manque de ressources financières ne devrait pas être sous estimé. L'OCDE estime que les dépenses totales à engager pour mettre en œuvre les mesures prévues dans l'AFE sont de l'ordre de 5 à 25 millions de dollars EU. Un financement initial est nécessaire pour organiser des consultations, évaluer les besoins et mettre en œuvre les mesures qui ne nécessitent pas d'assistance technique.

La capacité de mener des consultations efficaces est essentielle au processus de réforme en matière de facilitation des échanges. Le Cadre intégré renforcé (CIR) a soutenu la mise en place de comités directeurs au sein des ministères du commerce en vue d'encourager l'examen conjoint des politiques et des pratiques commerciales par plusieurs parties prenantes. Il a proposé que les comités nationaux de la facilitation des échanges intègrent ces structures pour gagner en efficacité, selon qu'il conviendra.

À titre d'exemple, la Zambie a été l'un des premiers PMA à mener une évaluation de ses besoins en vue de se mettre en conformité avec les articles de l'AFE. Le CIR a facilité la création d'une plate forme de donateurs au sein du pays qui travaille en étroite collaboration avec le Comité national de la facilitation des échanges. Cette plate-forme s'est avérée être un outil efficace pour la coordination, l'exécution et l'examen des interventions.

Les mesures initiales comme fondement

Les Membres de l'OMC qui s'engagent en faveur de la réforme des procédures à la frontière le font car ils perçoivent les possibles avantages de la facilitation des échanges pour leur économie. Deux constantes caractérisent les PMA qui font figure de précurseurs dans la mise en œuvre de l'AFE, à savoir l'engagement du gouvernement – qui fournit des orientations et des indications aux donateurs – et le degré d'engagement du secteur privé dans les processus de consultation.

L'élaboration d'études diagnostiques sur l'intégration du commerce est un outil important utilisé par les PMA pour mobiliser des ressources en vue de remédier aux contraintes en matière de capacités commerciales. Ces études comprennent des recommandations sur la facilitation des échanges et les déficits d'infrastructure matérielle et immatérielle connexes qui peuvent être utilisées en tant qu'outils de planification des politiques.

Le Malawi, un pays sans littoral qui fait figure d'exemple parmi tant d'autres, est l'un des deux PMA ayant soumis des notifications au titre de l'AFE sur le fonctionnement de son guichet unique. À titre de mesure préliminaire, l'établissement du portail commercial du Malawi a permis de mettre à disposition des renseignements sur la réglementation en matière d'importation, d'exportation et de transit, ce qui favorise la transparence dans la fourniture de services publics. Cet exemple montre que le succès des mesures initiales peut jeter les bases d'une mise en œuvre progressive de l'ensemble des dispositions de l'AFE.

Voie à suivre

La facilitation des échanges est perçue comme une étape vers une gestion de l'Aide pour le commerce basée sur les résultats. Il existe des outils qui peuvent être utilisés pour établir des comparaisons entre pays et simuler l'incidence possible des réformes politiques, comme l'indice du Commerce transfrontalier dans le rapport Doing Business de la Banque mondiale et les indicateurs de facilitation des échanges de l'OCDE. Les PMA devraient être sensibilisés à la fonctionnalité de ces outils – les indicateurs de l'OCDE étant particulièrement pertinents pour la mise en œuvre des dispositions de l'AFE. Sur la base des meilleures pratiques, des recommandations ciblées en matière de politiques pourraient être formulées et des études de cas pourraient être présentées afin que les PMA apprennent de l'expérience des autres.

Il pourrait également être bénéfique de s'appuyer sur le succès du renforcement de la coordination technique liée au commerce au niveau des pays, comme décrit ci avant. Dans le cadre de ces structures, les PMA pourraient être aidés par des travaux d'analyse plus poussés en ce qui concerne leurs besoins et le type d'assistance requis pour mettre en œuvre les dispositions de l'AFE et en tirer profit.

Une dernière suggestion pourrait être de planifier un examen complet de l'engagement des PMA dans le cadre de l'AFE. Février 2021 est une date butoir envisageable, avant laquelle tous les PMA signataires seraient tenus de communiquer les dates indicatives pour la mise en œuvre des engagements de la catégorie C et des renseignements sur les arrangements nécessaires pour la fourniture d'une assistance. La portée de cet examen pourrait aller au delà des coûts commerciaux et inclure la façon dont les mesures de facilitation des échanges se sont étendues à l'ensemble des économies et la question de savoir si elles ont contribué à ce que le système commercial favorise le développement durable dans les pays les plus pauvres du monde.

 

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Cette série a été financée par le gouvernement australien par l'intermédiaire du Département des affaires étrangères et du commerce. Les opinions exprimées dans cette publication sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles du gouvernement australien.

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