9 juin 2020

Les pays fragiles lancent un appel à la coopération dans la lutte contre la COVID 19

by Michelle Kovacevic / in Nouvelles

La réponse à la pandémie met en évidence la résilience des pays déjà fragiles

Le 22 février 2020, le Soudan du Sud a mis en place un gouvernement d'union nationale de transition, mettant ainsi fin à un conflit qui a duré six ans. Moins d'un mois plus tard, la pandémie de COVID 19 a frappé.

Le gouvernement a réagi rapidement et pris des mesures pour empêcher la propagation de la maladie, notamment la suspension des vols, la fermeture des écoles et des entreprises non essentielles et l'instauration d'un couvre feu. Les pays voisins ont commencé à limiter leurs exportations de céréales, ce qui a conduit de nombreux habitants du Soudan du Sud à faire des stocks de nourriture, et les prix des produits essentiels tels que le maïs ont augmenté de 36%. En raison des restrictions de circulation, les petits exploitants agricoles et les commerçants ont eu du mal à accéder aux marchés, aux outils essentiels et à des semences de qualité.

S'est ajoutée à ces problèmes la chute brutale des cours mondiaux du pétrole, qui a eu de lourdes conséquences sur les recettes publiques, dont 98% sont tirées de la vente de pétrole brut.

"En raison de la chute soudaine des recettes, il est plus difficile de financer une riposte nationale complète à la COVID 19. Nous travaillons avec le gouvernement et nos partenaires pour renforcer la résilience innée du peuple sud soudanais et réduire sa vulnérabilité, en particulier face à la pandémie de COVID 19", a déclaré Jose Manzano, conseiller principal de programme du PNUD au Soudan du Sud.

Les moins préparés à répondre

Si rien ne change, jusqu'aux deux tiers des individus pauvres du monde vivront dans des pays fragiles et touchés par des conflits d'ici 2030, selon la Banque mondiale. Alors que la crise liée à la COVID‑19 prend de l'ampleur, ces pays sont les moins préparés à y faire face. Selon le rapport sur la COVID‑19 et le développement humain publié récemment, les pays les plus pauvres du monde comptent en moyenne 2,5 médecins et 7 lits d'hôpital pour 10 000 habitants.

"Si l'on prend l'exemple du Yémen, seuls 51% des établissements de santé sont pleinement opérationnels, ce qui signifie que deux tiers des Yéménites n'ont pas accès aux soins de santé de base", a déclaré Luisa Bernal, spécialiste des politiques au PNUD.

"Ajoutez à cela les problèmes d'assainissement et d'hygiène, qui privent les gens d'accès à l'eau potable, et la mesure la plus élémentaire que vous pouvez prendre pour vous protéger et protéger votre famille – vous laver les mains – devient tout simplement inapplicable."

Selon le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, chaque jour, 37 000 personnes sont contraintes de fuir leur foyer en raison des persécutions et de la violence. Plus de 70 millions de personnes dans le monde ont été déplacées de force, et beaucoup d'entre elles vivent dans des camps surpeuplés.

"Les réfugiés et les personnes déplacées sont des groupes particulièrement vulnérables, et la pandémie et les mesures prises pour freiner sa propagation augmentent la pression exercée sur les communautés d'accueil, qui doivent fournir un soutien et des services essentiels. C'est une situation très difficile", a déclaré Mme Bernal.

Si l'on prend l'exemple du Yémen, seuls 51% des établissements de santé sont pleinement opérationnels, ce qui signifie que deux tiers des Yéménites n'ont pas accès aux soins de santé de base.

Luisa Bernal, spécialiste des politiques au PNUD

Heureusement, le nombre de cas de coronavirus est encore relativement faible dans la plupart des pays fragiles. Toutefois, les implications socioéconomiques des mesures prises au niveau mondial, régional et local pour lutter contre la COVID 19 frappent déjà plus durement les pays fragiles que les autres, a déclaré Habib Ur Rehman Mayar, Secrétaire général adjoint du g7+, une organisation intergouvernementale représentant 20 pays fragiles et touchés par des conflits.

"En Somalie, par exemple, 49% des revenus proviennent des envois de fonds. Ce chiffre a chuté de plus de 50% en raison des mesures de confinement prises aux États Unis et au Royaume Uni, qui ont fait perdre leur emploi aux Somaliens qui y travaillaient. Maintenant, ils n'ont plus d'argent à envoyer à leurs familles en Somalie, qui dépendent de ce soutien financier", a déclaré M. Mayar.

Refixer le cadre du soutien international

Le g7+ permet aux pays fragiles d'échanger leurs données d'expérience et de se réunir pour plaider en faveur de processus conduits et pris en charge par les pays pour surmonter leurs fragilités et les conflits. Le groupe est né de la nécessité d'améliorer l'efficacité de l'aide internationale.

"Les États fragiles ont souvent été qualifiés d'États défaillants ou faillis. L'emploi de ces termes sous‑entend que ces pays n'ont même pas la capacité de comprendre leurs propres problèmes, ce qui n'est pas vrai", a déclaré M. Mayar.

"Nous essayons de changer cette vision des choses. Nous ne nions pas le fait que nos institutions et nos économies sont fragiles en raison de décennies de guerre ou de catastrophes naturelles ou causées par l'homme, mais cela ne signifie pas que les populations et les dirigeants ne comprennent pas les difficultés qu'ils rencontrent et les solutions qui s'offrent à eux."

"Nous plaidons pour que la communauté internationale laisse ces pays définir les problèmes à surmonter et identifier leurs besoins et qu'elle leur fournisse le soutien nécessaire pour parvenir à une stabilité, au lieu de leur imposer des solutions inadaptées au contexte", a déclaré M. Mayar.

Le g7+ a récemment lancé un appel à un soutien pour freiner la COVID‑19 dans les pays fragiles. Ils demandent un cessez‑le‑feu mondial complet et permanent, une augmentation de l'aide aux soins de santé, une prise en charge des personnes déplacées bloquées en raison de la fermeture des frontières, un allégement de la dette et des investissements dans la sécurité alimentaire, la coopération régionale, l'innovation technologique et de nouvelles sources de financement.

"La priorité absolue pour les populations des pays en conflit est d'établir et de renforcer la paix. Il est temps de comprendre que nous faisons tous face à un seul et même ennemi: la COVID‑19."

"La paix dépendra du bien‑être économique et social, et aussi de la préservation des progrès réalisés en matière de développement."

Une réponse intégrée

Le PNUD est au centre des efforts déployés à l'échelle des Nations Unies pour maintenir le bien‑être économique et social au moyen de sa réponse intégrée à la COVID‑19. Il s'agit d'aider les pays à se préparer et à réagir à la crise et à s'en remettre d'une manière qui intègre l'appui aux systèmes de santé, la gestion inclusive de la crise et la prise en compte des impacts socioéconomiques.

"Pendant la phase préparatoire, nous aidons les pays à mener des activités de sensibilisation, à se procurer des fournitures et à renforcer les systèmes afin que les services essentiels soient maintenus", a‑t‑elle déclaré.

Au Soudan du Sud, il s'agit de capitaliser sur la présence d'écoles professionnelles soutenues par le PNUD et de mobiliser les tailleurs aux fins de la production et de la distribution de masques à l'échelle nationale.

"Ces mesures ont permis de fournir un filet de sécurité sociale à environ 300 personnes, principalement des femmes, qui n'auraient autrement pas eu de travail et de revenus en raison du ralentissement général de l'activité économique causé par la COVID", a déclaré M. Manzano.

La priorité absolue pour les populations des pays en conflit est d'établir et de renforcer la paix. Il est temps de comprendre que nous faisons tous face à un seul et même ennemi: la COVID‑19.

Habib Ur Rehman Mayar, Secrétaire général adjoint du g7+

Dans la phase de riposte, explique Mme Bernal, le pays concentre ses efforts sur le soutien au fonctionnement continue des secteurs public et privé, en particulier des petites et moyennes entreprises.

Le Soudan du Sud compte mettre en place des marchés et des magasins mobiles pour répondre aux problèmes de sécurité alimentaire causés par les mesures de confinement prises pour lutter contre la COVID. Cela permettra aux commerçants, aux producteurs et aux professionnels de la santé de fournir à l'ensemble de la population un accès à la nourriture, aux produits essentiels et à l'information.

La phase de relance est axée sur les moyens de tirer parti de cette crise pour améliorer les résultats à long terme et renforcer la résilience. L'un des moyens utilisés par l'ONU pour faciliter le déroulement de cette phase est l'initiative "Connecting Business": une plate‑forme permettant de faire le lien entre les capacités mondiales et les besoins nationaux.

"Le secteur privé a bien sûr été touché par la COVID‑19, mais il peut aussi faire partie de la solution et agir en partenariat avec les gouvernements et les parties prenantes pendant la crise", a déclaré Mme Bernal.

"Par exemple, nous avons vu de longues files de camions aux postes frontières parce que les conducteurs devaient se soumettre à des tests de dépistage de la COVID. Mettre en relation les pays avec des entreprises qui ont déjà pris des mesures efficaces de facilitation des échanges pourrait aider à introduire des mesures efficaces mais moins restrictives qui profiteront au pays au‑delà de cette crise", a‑t‑elle déclaré.

Rester humains

"Pour maintenir la paix, la communauté internationale doit renforcer son soutien à la reprise économique", a déclaré M. Mayar.

"Nous espérons que les pays fragiles bénéficieront d'un allègement de leur dette. Leurs maigres ressources sont rarement suffisantes pour fournir les soins nécessaires à leurs citoyens pendant la crise de la COVID 19. L'absence d'un tel allègement pourrait saper la stabilité de ces pays, dont la plupart sont sur le point de retomber dans une crise qui deviendra une menace mondiale", a t il déclaré.
M. Mayar espère faire prendre conscience à la communauté internationale et aux populations du monde entier du sort des personnes qui vivent dans des pays fragiles et touchés par des conflits et qui subissent de surcroît les effets de la pandémie.

"Les habitants des pays fragiles ont été soumis pendant des mois à des confinements et à des couvre feux, et le seul fait de se fournir en produits de première nécessité est devenu un cauchemar", a t il déclaré.

"Parfois, dans les relations internationales, les politiques sont dictées par le réalisme et les actions des États sont motivées par leurs intérêts nationaux respectifs. Il nous arrive d'oublier que nous appartenons tous à la même famille humaine et que nous dépendons les uns des autres."

"J'espère que cette crise aidera les nations et leurs dirigeants à prendre conscience du fait que nous ne pourrons surmonter des défis comme ceux posés par la COVID 19 que si nous coopérons les uns avec les autres."

 

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