5 août 2020

En ce qui concerne les PMA, l'alimentation et la COVID 19

by Brendan Vickers Salamat Ali Collin Zhuawu / in Tribune libre
  • Les produits alimentaires représentent environ 17% des importations de marchandises des PMA, soit plus du double de la moyenne mondiale (8%).

  • 38 des 47 PMA du monde sont des importateurs nets de produits alimentaires[1], ce qui les rend extrêmement vulnérables aux perturbations des réseaux de production et d'approvisionnement de produits alimentaires causées par les mesures visant à contenir le coronavirus, ce qui entraîne des problèmes de sécurité alimentaire.

  • Le commerce intra Commonwealth entre les 14 PMA membres de l'association est important, ces pays s'approvisionnant pour environ 45% de leurs importations de produits alimentaires auprès d'autres pays du Commonwealth.

Alors que le monde s'efforce de contenir le nouveau coronavirus, une autre crise de famine généralisée se profile dans de nombreux pays en développement, en particulier les pays les moins avancés (PMA). Bien qu'il n'y ait actuellement aucun signe annonciateur d'une crise alimentaire mondiale induite par la COVID‑19, le Programme alimentaire mondial (PAM) a lancé une mise en garde concernant le risque d'une famine généralisée qui pourrait concerner environ 265 millions de personnes.

L'effet sera probablement plus prononcé dans les nations les plus pauvres du monde, qui dépendent des produits alimentaires importés pour assurer les niveaux d'alimentation requis et maintenir la sécurité alimentaire. Deux PMA du Commonwealth, le Bangladesh et le Mozambique, figurent parmi les 25 pays les plus touchés par la faim dans le monde.

Dépendance des PMA à l'égard des importations de produits alimentaires

Les PMA représentent environ 3% des importations alimentaires mondiales, soit près du double de leur part des importations de marchandises (1,45%). Cette dépendance à l'égard des importations rend les PMA extrêmement vulnérables à toute perturbation des chaînes mondiales de production et d'approvisionnement alimentaires (voir la figure 1). Il est donc impératif de maintenir des chaînes d'approvisionnement ouvertes et fonctionnelles pour éviter les pénuries de denrées alimentaires essentielles.

 

Figure 1: Part des PMA dans les échanges mondiaux de produits alimentaires (%, 2018)

Source: Secrétariat du Commonwealth (calculs fondés sur la base de données WITS)

 

La part des denrées alimentaires dans les importations des PMA est plus de deux fois supérieure à la moyenne mondiale. En 2018, le commerce mondial de produits alimentaires représentait 1 500 milliards de dollars EU, soit environ 8% du commerce de marchandises, tandis que les importations de marchandises des PMA atteignaient 17% (soit 46 milliards de dollars EU). Pour les 14 PMA du Commonwealth, les denrées alimentaires représentaient 14% (soit 14 milliards de dollars EU) de leurs importations de marchandises (voir la figure 2). Globalement, le Bangladesh était le premier importateur en termes absolus (7 milliards de dollars EU). Toutefois, en termes relatifs, les plus gros importateurs étaient Kiribati (36%), la Gambie (34%) et la Sierra Leone (30%) (voir la figure 3).

 

Figure 2: Part des produits alimentaires dans le commerce de marchandises des PMA (%, 2018)

Source: Secrétariat du Commonwealth (calculs fondés sur la base de données WITS)

 

La part des produits alimentaires dans les exportations de marchandises des PMA est également supérieure à la moyenne mondiale (14% contre 8%, respectivement), sauf pour le Bangladesh (voir la figure 4). En 2018, la valeur des exportations totales de produits alimentaires des PMA était d'environ 7 milliards de dollars EU. L'Ouganda était le premier exportateur en termes absolus (1,7 milliard de dollars EU), tandis que le Malawi (87%), l'Ouganda (54%) et la Tanzanie (38%) venaient au premier rang pour ce qui est de la part relative des produits alimentaires dans les exportations.

Les PMA du Pacifique occupent la première place en ce qui concerne la part des produits alimentaires dans le commerce de marchandises, tant pour les exportations que pour les importations, avec environ 24%. La plupart de leurs exportations sont des produits de la pêche destinés à des marchés riches, tandis que les importations de denrées alimentaires sont plus diversifiées, probablement en raison des contraintes physiques de l'agriculture dans les petits États insulaires en développement.

 

Figure 3: Part des produits alimentaires dans le commerce de marchandises des PMA du Commonwealth (%, 2018)

Source: Secrétariat du Commonwealth (calculs fondés sur la base de données WITS)

 

Principaux fournisseurs de produits alimentaires destinés aux PMA

Si l'on exclut les États‑Unis, les quatre premiers fournisseurs de produits alimentaires aux PMA sont des pays en développement. L'Inde est la principale source d'importations de produits alimentaires pour l'ensemble des PMA, représentant environ 12% de leurs importations alimentaires (voir la figure 4). L'Afrique du Sud est le premier fournisseur des PMA africains, assurant 18% de leurs importations, et l'Australie est le premier fournisseur des PMA du Pacifique. Les deux autres grands exportateurs de denrées alimentaires vers les PMA sont le Brésil et la Thaïlande.

 

Figure 4: Cinq premiers fournisseurs de produits alimentaires destinés aux PMA

Source: Secrétariat du Commonwealth (calculs fondés sur la base de données WITS)

 

Comme on pouvait s'y attendre, le commerce intra‑Commonwealth de produits alimentaires est important pour la plupart des PMA, notamment en Afrique australe et dans le Pacifique, ce qui reflète l'importance des chaînes de production et d'approvisionnement régionales et l'avantage de coût commercial découlant de l'appartenance au Commonwealth. Les PMA du Commonwealth s'approvisionnent en denrées alimentaires auprès d'autres pays du Commonwealth à hauteur de 45% environ (voir le tableau 1). La moyenne pour les neuf PMA africains est d'environ 57% et elle est de 63% pour les quatre PMA du Pacifique. La part du commerce alimentaire intra‑Commonwealth est supérieure à 60% pour 7 PMA: Lesotho (98%), Malawi (68%), Rwanda (65%), Zambie (81%), Kiribati (62%), Tuvalu (70%) et Vanuatu (80%).

 

Tableau 1: Commerce intra‑Commonwealth de denrées alimentaires (2018)

Source: Secrétariat du Commonwealth (calculs fondés sur la base de données WITS)

 

Composition des échanges de produits alimentaires

Les PMA importent toute une gamme de produits alimentaires, y compris des denrées de base comme les céréales, le poisson, les produits laitiers et les huiles comestibles (voir le tableau 2). La part des denrées vivrières de base dans le commerce alimentaire total est d'environ 70%. Les céréales sont une partie essentielle du régime alimentaire des populations, un élément essentiel de la nutrition dans les régions où l'insécurité alimentaire est élevée. La part des céréales dans les produits alimentaires varie de 20% pour le Bangladesh à 30% pour les PMA du Pacifique.

L'huile comestible est le deuxième produit d'importation le plus important, avec une part allant de 12 à 16%. Le Bangladesh est le plus grand importateur d'huile comestible, laquelle représente environ un tiers de ses importations totales de produits alimentaires. En comparaison, les exportations alimentaires des PMA sont très variées: les fruits, les légumes, le poisson et les boissons sont des produits d'exportation importants.

Cette structure du commerce de produits alimentaires dans les PMA indique qu'ils seront touchés différemment en fonction de leurs vulnérabilités économiques existantes et de leur position dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire (voir la figure 5). La COVID‑19 a déjà affecté la production et l'approvisionnement de denrées alimentaires essentielles telles que le riz, le blé et le maïs sur les marchés nationaux et internationaux. Les perturbations logistiques, les mesures de confinement et les récessions économiques ont entraîné des pénuries d'approvisionnement dans plusieurs pays.

À cela s'ajoute une forte baisse des envois de fonds et des recettes touristiques, ainsi que la chute des prix des produits de base. Tous ces facteurs ont eu un impact négatif sur l'accès des PMA aux denrées alimentaires de base. Certains PMA connaissent des crises humanitaires[2], et risquent d'être affectés en termes de disponibilités vivrières de base adéquates.

 

Figure 5: Part des produits alimentaires dans le commerce de marchandises des PMA (%, 2018)

Source: Secrétariat du Commonwealth (calculs fondés sur la base de données WITS)

Tableau 2: Composition des échanges de produits alimentaires des PMA (%, 2018)

Source: Secrétariat du Commonwealth (calculs fondés sur la base de données WITS)

 

Perspectives pour l'avenir

Dans l'ensemble, les marchés alimentaires mondiaux semblent avoir relativement bien fonctionné compte tenu de la gravité des perturbations liées à la COVID‑19. Toutefois, la pandémie pourrait exacerber la situation dans des lieux/pays spécifiques qui étaient déjà sous pression, en particulier les PMA.

Avec la propagation du coronavirus dans les pays en développement, y compris chez certains grands fournisseurs de denrées alimentaires comme le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud, les PMA doivent envisager d'adopter des mesures de politique commerciale qui leur permettent d'importer des denrées alimentaires de sources différentes. À cet égard, les PMA peuvent tirer parti des initiatives de coopération régionale pour mieux mobiliser les ressources afin de garantir l'accès aux denrées alimentaires et leur disponibilité pendant la pandémie, ainsi que pour mettre en place des chaînes d'approvisionnement régionales solides afin d'atténuer les besoins alimentaires futurs en cas de crise.

Par exemple, l'organe de la Communauté du développement de l'Afrique australe – alimentation, agriculture et ressources naturelles, a adopté des initiatives pour évaluer l'impact de la COVID‑19 sur la sécurité alimentaire dans la région, identifier les contraintes structurelles et fournir des informations et des recommandations pour renforcer les capacités régionales d'intervention d'urgence afin d'assurer un approvisionnement alimentaire adéquat dans la région. Ailleurs, la Communauté des Caraïbes (CARICOM) a élaboré un cadre de gestion des risques agroalimentaires COVID‑19 pour guider la planification et la gestion des risques au niveau régional.

En outre, les PMA doivent expérimenter diverses solutions, telles que le maintien de la distance physique, la réduction des interactions entre collègues et la fourniture de produits d'hygiène suffisants pour garantir la santé et la sécurité, afin de réduire au minimum les perturbations de la production alimentaire nationale. Si l'on ne s'y attaque pas de manière adéquate et rapide, l'effet à long terme d'une "pandémie de la faim" pourrait mettre en péril la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD), en particulier l'objectif 2 relatif à l'amélioration de la sécurité alimentaire et à l'élimination de la faim.

 

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[1] Les neuf autres PMA exportateurs nets de denrées alimentaires sont le Myanmar, l'Ouganda, la Tanzanie, le Malawi, l'Éthiopie, la Zambie, la Guinée‑Bissau, Madagascar et la Mauritanie.

[2] Les Îles Salomon, le Vanuatu et les Tonga ont subi des dommages importants et ont connu une situation d'urgence humanitaire à la suite du cyclone Harold en avril 2020. Le Bangladesh doit subvenir aux besoins alimentaires des Rohingyas et se remettre du récent cyclone Amphan dans le golfe du Bengale.

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