31 juillet 2020

La chaîne de blocs et les PMA en période de COVID-19

Pandémie de COVID-19: quel contexte macroéconomique pour le commerce des pays en développement

S'inscrivant dans une économie mondiale profondément interconnectée, la flambée de COVID-19 donne lieu à une crise dont les impacts socioéconomiques et en matière de santé publique apparaissent plus clairement. Ces impacts révèlent que la crise touche de manière disproportionnée les pays les moins avancés (PMA) et que le ralentissement économique auquel tout le monde s'attend touchera plus sévèrement les PMA.

Avant la pandémie de COVID-19, les PMA faisaient déjà face à des difficultés comme des perturbations dans les chaînes d'approvisionnement et, en réponse à cela, les gouvernements du monde entier élaboraient des cadres politiques visant à stimuler la concurrence et la création de valeur ajoutée. Les difficultés d'approvisionnement sont désormais accrues pour les PMA et des efforts seront nécessaires pour continuer de stimuler les économies qui sont le plus en danger.

La mesure dans laquelle les effets préjudiciables de la pandémie actuelle pourront être atténués et la relance après la crise pourra être accélérée pourrait bien dépendre de la manière dont les gouvernements des PMA pourront surmonter les difficultés relatives aux transactions et à la confiance dans le commerce numérique. Avec les mesures de confinement, de distanciation sociale et la nécessité de dialoguer virtuellement, il est grand temps que les gouvernements prennent des mesures à cet égard.

Le défi

Les évaluations en cours des impacts de la COVID-19 sur le commerce dans les PMA montrent que l'échec des interventions du secteur de production axées sur le marché, s'agissant d'augmenter les ventes et l'offre de produits, constitue un risque majeur pour l’économie. L'analyse réalisée par le Cadre intégré renforcé (CIR) (évaluation des fiches consacrées à la gestion des risques dans le contexte de la COVID-19 dans les PMA) montre que la pandémie présente des risques transversaux au niveau mondial qui pourraient avoir de vastes effets sur les recettes d'exportation et les indicateurs de développement humain dans ces pays.

La chaîne de blocs est bien adaptée aux interventions ciblées des PMA dans les domaines du financement du commerce, du dédouanement, du transport et de la logistique, du commerce des marchandises et services, ainsi que de la passation des marchés publics.

Aborder ces problèmes avec la technologie de la chaîne de blocs pourrait contribuer à atténuer un certain nombre de risques de nature opérationnelle tels que la rareté des ressources ou l'inflation, qui pourraient conduire à une hausse des prix de vente des biens et services essentiels. Le déploiement de la chaîne de blocs dans l'environnement actuel en tant que principal outil de renforcement de l'efficacité et du commerce dématérialisé ne pourrait pas être plus opportun.

L'opportunité

Certains considèrent la chaîne de blocs comme un ensemble ou "registre" décentralisé et distribué de transactions. Chaque transaction est codée et stockée de manière permanente. À la différence des bases de données traditionnelles, qui sont administrées par une entité centrale, la chaîne de blocs repose sur un réseau pair à pair qu'aucune partie ne peut contrôler à elle seule. La chaîne de blocs promeut la transparence grâce à des transactions horodatées qui ne peuvent pas être facilement falsifiées, ce qui permet de suivre aisément les produits et les transactions.

La chaîne de blocs est bien adaptée aux interventions ciblées des PMA dans les domaines du financement du commerce, du dédouanement, du transport et de la logistique, du commerce des marchandises et services, ainsi que de la passation des marchés publics.

La chaîne de blocs sans numérisation?

La fracture numérique entre les PMA et les autres pays fait l’objet de nombreuses recherches. Les PMA ont besoin de nouveaux investissements pour atteindre les mêmes niveaux de compétitivité numérique que les autres pays. Or, la chaîne de blocs dépend du passage massif à la numérisation de l'économie et de l'accès aux moyens de télécommunications. Étant donné que les smartphones sont plus facilement accessibles, il serait justifié de dire que la technologie de la chaîne de blocs pourrait utiliser comme tremplin les progrès déjà réalisés dans l'infrastructure des télécommunications. Si cette transition n'est pas faite correctement, le retard qu'accusent les PMA pourrait encore s'aggraver.

Outre des problèmes d'infrastructures, d'importantes difficultés persistent en ce qui concerne l'utilisation de l'innovation basée sur l'Internet. De nombreux consommateurs sont préoccupés par des questions de confidentialité et font preuve de méfiance vis-à-vis de la sécurité de l'information dans le cadre des transactions sur le Web. Les capacités existantes de la chaîne de blocs peuvent servir de base à la mise en œuvre d'un système dématérialisé pour assurer le plus de gains possibles en matière de transparence et d'efficience. Le pouvoir et la diversité d'application de la technologie de la chaîne de blocs devraient donner une impulsion supplémentaire en faveur d’une numérisation rapide.

Accroître la valeur ajoutée

Il est important de noter que de nombreux gouvernements ont fait de grands progrès en matière de numérisation. Le Sénégal a facilité la transition et la livraison de fournitures essentielles au moyen de politiques et de réformes accélérées sur le commerce électronique. Le Ministère national du commerce a créé une plateforme de commerce électronique qui permet d'accéder facilement au sites Web de petites et moyennes entreprises (PME) qui vendent des biens essentiels. Cette plateforme aide les entreprises à atteindre les consommateurs dans les principaux centres urbains, garantissant ainsi que les gens puissent acheter ce dont ils ont besoin pour surmonter la crise.

Le Sénégal est un modèle en matière d'innovation opportune qui pourrait être suivi par d'autres. Le pays a donné suite aux recommandations issues de l'évaluation rapide de l'état de préparation au commerce électronique le concernant, ainsi qu'à la feuille de route établie dans sa stratégie nationale de développement du commerce électronique qui avait été lancée en décembre 2019 et bénéficiait du soutien du CIR. Actuellement, sa capacité d'adaptation et son ouverture à l'innovation font que nombre de ses gains du commerce électronique peuvent être encore renforcés avec la chaîne de blocs. Améliorer la sécurité et l'efficience des transactions en utilisant la technologie des registres distribués pourrait accroître encore leur utilisation par les commerçants et rendre les utilisateurs moins méfiants à l’égard du numérique.

Commerce des biens et services

En ce qui concerne le commerce des biens et services, la chaîne de blocs peut réduire encore les difficultés liées aux transactions. La technologie des registres distribués promeut la cybersécurité, une transparence accrue, des transactions en temps réel, une vérification facile des transactions et la modularité.

Étant donné que les smartphones sont plus facilement accessibles, il serait justifié de dire que la technologie de la chaîne de blocs pourrait utiliser comme tremplin les progrès déjà réalisés dans l'infrastructure des télécommunications. Si cette transition n'est pas faite correctement, le retard qu'accusent les PMA pourrait encore s'aggraver.

Dans l'industrie touristique en plein essor de l'Ouganda, la vente de produits artisanaux, soutenue actuellement par un projet du CIR, connaît une contraction en raison des restrictions en matière de voyage et de la quarantaine obligatoire à l'arrivée dans le pays. Dans la perspective de la reprise de l'après COVID, les fabricants de produits artisanaux devraient être encouragés à proposer également le fruit de leur travail sur des plateformes de commerce électronique spécialisées ou préexistantes. Ce changement pourrait être soutenu par l'utilisation de la technologie des registres distribués. Étant donné que les mesures de distanciation physique pourraient rester en vigueur encore un moment, des mécanismes efficaces et sûrs de suivi des achats donneraient aux artisans la confiance dont ils ont besoin pour procéder à cette transition et poursuivre leur activité. Les acheteurs sceptiques seraient eux aussi encouragés.

Le commerce international implique généralement des procédures nécessitant beaucoup de papier et sources fréquentes d'erreurs que la chaîne de blocs pourrait contribuer à rationaliser. La chaîne de blocs offre aux clients des solutions plus sûres et plus rapides, ce qui pourraient contribuer à accroître le nombre de clients et à stimuler les ventes en ligne.

Facilitation des échanges

L'inefficacité d'un certain nombre de procédures à la frontière est chronophage et coûteuse, devenant un sujet clé au centre de la politique commerciale. Le commerce transfrontières est également fortement touché par la situation liée à la pandémie de COVID-19. Dans de nombreux PMA, la fermeture complète des frontières vient désormais s'ajouter aux inefficacités existantes.

La chaîne de blocs offre une occasion de renforcer les efforts en faveur de la numérisation du commerce. À titre d'exemple, citons les mesures d'automatisation du commerce dématérialisé et les procédures à la frontière impliquant l'échange de documents et de données entre les acteurs. La nature hautement sécurisée, décentralisée et distribuée de la chaîne de blocs renforce l'échange de renseignements et offre de nouvelles occasions de coopérer de manière plus efficace.

Dans le cadre du système de guichet unique électronique du Vanuatu, des mesures pourraient être envisagées telles que l'utilisation des contrats intelligents, qui déclenchent un flux de travail en vue de l'approbation des exportations au sein des parties qui doivent approuver ces dernières et qui enregistrent des documents et des marchandises tout en les partageant en temps réel dans un registre consultable par tous les participants autorisés. La preuve de concept menée par IBM pour expédier des fleurs de Mombasa (Kenya), jusqu'à la coopérative de Royal Flora aux Pays Bas illustre les avantages que peut procurer la technologie. L'obligation d'obtenir la signature de trois organismes différents et de présenter six documents a été remplacée par un contrat intelligent qui déclenche un flux de travail en vue de l'approbation de l'exportation au sein des trois organismes qui doivent approuver cette dernière. À mesure que chaque organisme donne son consentement, le statut de l'exportation est actualisé en temps réel et les autres participants peuvent le voir.

Perspectives encourageantes

La pandémie de COVID-19 a touché chaque pays de manière différente. Toutefois, un élément commun à presque toutes les réponses des pays est l'accent mis sur l'action rapide et sur l'ouverture accrue à l'innovation.

La transition de Kiribati vers le traitement en ligne des documents à l'arrivée des navires et des avions ainsi que les progrès du Sénégal dans le commerce électronique en sont de bons exemples. La chaîne de blocs peut accroître encore les gains concernant l'efficience, la confiance et les transactions. La facilité, la sécurité et la transparence offertes par la chaîne de blocs favorisent la confiance des consommateurs dans une éventuelle transition vers le commerce électronique. Dans les domaines dans lesquels il est maintenant le plus important d'atténuer les dommages économiques et d'accélérer la reprise, la technologie de la chaîne de blocs dans les contrats qui s'exécutent automatiquement peut assurer la stabilité, l'élan et la prévisibilité nécessaires en cette période d'incertitude économique.

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